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19 juin 2011 7 19 /06 /juin /2011 22:09

Maurice Pergnier

Professeur d’université. Linguiste et écrivain, auteur, notamment de Discours médiatique et conflits balkaniques (L’Age d’Homme) et La désinformation par les mots (Le Rocher)

 

Cet événement (si tant est que cela en fût un, tellement il était programmé !) a été l’occasion d’un nouveau festival assourdissant de verbiage antiserbe stéréotypé. La clameur aurait atteint l’intensité de celle provoquée par l’arrestation de Slobodan Milosevic si elle n’avait été couverte par le tintamarre de l’affaire DSK. Pendant plusieurs jours, toute la litanie des slogans élaborés pendant la grande campagne de désinformation des années 90 a été répétée en boucle.

 

A longueur d’antennes et de pages, on a pu ainsi entendre et lire que Mladic était « accusé » (on ne sait plus par qui ? Et d’ailleurs qu’importe !) du massacre de Srebrenica  qui est « le pire génocide depuis la seconde guerre mondiale », que ce massacre « a fait 8 000 victimes, civiles pour la plupart » ; qu’il était responsable du « siège de Sarajevo », et bien sûr, l’auteur de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

 

Tout cela sentait tellement le réchauffé qu’on s’est mis à affubler Mladic du titre de « boucher des Balkans », en oubliant que ce qualificatif (assez peu apprécié des bouchers, soit dit en passant !) avait été l’apanage exclusif de Milosevic (avant de resservir brièvement pour Karadzic), et qu’il n’avait jamais été attribué à Mladic avant ces dernières semaines.  Mais le discours convenu sur les événements des années 90 a apparemment besoin d’un « boucher des Balkans » ; le détenteur du titre (Milosevic) ayant eu l’impolitesse de mourir avant d’être condamné, il fallait un remplaçant ! Des manifestations ayant eu lieu dans différentes villes de Serbie contre le gouvernement serbe pour condamner la livraison de Mladic au TPI, les manifestants ont été rituellement qualifiés de « nationalistes ». Le Parti radical serbe qui a apporté son soutien à ces manifestants a, comme d’habitude,  été qualifié d’ « ultranationaliste ». En revanche, et assez curieusement, l’ « épuration ethnique », l’un des maîtres mots de la logomachie des années 90 était presque absente des discours.

 

Le prétexte à ce déferlement de logomachie était que Mladic allait être « jugé », mais il était clair qu’il était déjà condamné et que le jugement était une pure formalité qui ne pouvait que confirmer la condamnation. Pour bien faire pénétrer cette idée dans la tête des lecteurs et auditeurs, on convoquait les femmes et mères des disparus de Srebrenica pour qu’elles témoignent qu’il était bien « l’organisateur » du « génocide » (comment le savent-elles ? Etaient-elles dans la confidence de l’état-major des Serbes de Bosnie ?).

 

En réalité, l’enjeu se situe bien au-delà du rôle personnel de Mladic.

Le retour en force de cette logomachie vise à conforter la vision manichéenne imposée dans les années 90 : celle d’un conflit opposant les Serbes maléfiques à de blanches colombes bosniaques puis kosovares, les premiers ayant tous les torts, les secondes n’en ayant aucun. C’est là un socle de certitude que rien ne peut venir ébranler, pas même la révélation que les chefs de l’UCK (Armée de libération du Kosovo) découpaient leurs prisonniers en morceaux pour faire le trafic de leurs organes (soit dit en passant, eux n’ont pas droit à l’appellation de « bouchers des Balkans » !) Aujourd’hui comme hier, quiconque ose émettre des doutes sur le bien-fondé de ce scénario manichéen et sur les données factuelles de la tragédie de Srebrenica est taxé de « révisionnisme ». Il est dans l’ordre des choses que tous ceux – politiques,  « intellectuels » et agents d’influence au sein des médias – qui ont participé de manière forcenée à la mise en place de cet efficace système de désinformation  tiennent par-dessus tout à le perpétuer, et à ce qu’on n’aille pas rechercher  la réalité qui se cache derrière les slogans ; mais est-ce le rôle des journalistes de se faire purement et simplement leurs perroquets et de renoncer à leur droit d’inventaire? Si l’on peut à la rigueur comprendre que, pendant les années où le drame se jouait, l’information ait été emportée dans le tourbillon d’une propagande aussi habile que massive, on reste confondu devant un tel psittacisme autiste, au bout de quinze années qui auraient pu être mises à profit pour démêler le vrai du faux (ou du moins le vérifiable de l’affabulation émotionnelle), pour resituer les événements dans leur contexte, etc. ; bref, pour faire œuvre de journalisme et non de simple caisse de résonnance.

 

Note de Comaguer :

Cet article vient utilement complèter notre texte sur la soi-disant "justice internationale"

Pour plus de détails sur le "génocide" se reporter au livre publié aux Editions Le Verjus

"Le dossier caché du "génocide" de Srebrenica."

Renseignements sur le site www.B-I-INFOS.com

 

 

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