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17 août 2019 6 17 /08 /août /2019 10:18

Bulletin n° 391 -  16 Aout  2019

 

REGARDS CROISES SUR HONG KONG

 

Les grands médias occidentaux, avec la bénédiction de leurs gouvernements, ont lancé une vaste campagne de propagande sur les manifestations à Hong-Kong. Pour éclairer le débat  nous publions ,sans en partager toutes les considérations, la traduction  d’un article publié en Juillet aux Etats-Unis qui explique concrètement ce qui est en jeu avec deux périodes successives : l’une de montée en puissance du mouvement de protestation contre un projet de loi sur les extraditions qui a été suspendu début Juillet, l’autre en cours de radicalisation minoritaire franchement anti chinoise .Cet article contient quelques données de base sur l’histoire de la colonisation britannique de la ville. Nous le complétons en expliquant pourquoi l’occident s’acharne sans succès  à vouloir maintenir le plus longtemps possible ce dernier ilot du capitalisme anglo-saxon au cœur du monde chinois.

 

***

PUBLIE PAR « 48 HILLS » SITE INTERNET D’INFORMATION EN LIGNE A SAN FRANCISCO

Traduction Comaguer

 

Ce qui se passe vraiment à Hong Kong

Les manifestants ont envahi les rues en juin, mais les racines du conflit entre l'île et la Chine continentale sont profondes.

Par Reese Erlich 12 juillet 2019

 
 Depuis plus de trois mois, des habitants de Hongkong se sont rassemblés dans les rues pour protester contre un projet de loi sur l'extradition. Les critiques disent que cela permettrait à la Chine d'extrader des étudiants, des journalistes et des hommes d'affaires dissidents vers le continent, où ils pourraient être emprisonnés pour leurs opinions. Les rassemblements et les marches de dizaines de milliers de personnes ont atteint peut-être près de deux millions à leur apogée.

"J'étais très en colère contre le projet de loi", dit Adrian Leong, un ancien résident de Hong Kong et activiste politique à San Francisco. "Tout le monde pouvait se voir en difficulté."
Mais les partisans du gouvernement de Pékin disent que le projet de loi ne permettrait l'extradition que des personnes accusées de crimes graves, et non des dissidents politiques. Selon eux, les gouvernements et les médias occidentaux utilisent la fausse question de l'extradition pour fomenter les dissensions entre Hong Kong et le continent.
"Ils veulent que la Chine s'effondre et meure", dit sur YouTube Nathan Rich, un blogueur américain qui vit en Chine.

Pour éclairer ces revendications concurrentes, nous devons comprendre l'histoire de Hong Kong.

Les Guerres de l’opium

À partir de la fin du XIXe siècle, la British East India Company a vendu illégalement de l'opium à la Chine. Dans les années 1830, les entrepreneurs britanniques et américains devinrent fabuleusement riches en vendant de l'opium et en intoxicant des millions de Chinois. Lorsque le gouvernement chinois ordonna l'arrêt des ventes, les Britanniques envoyèrent des canonnières dans les ports chinois et menèrent la première guerre de l'Opium de 1839 à 1842.

La dynastie Qing perdit la guerre et fut forcée de céder l'île de Hong Kong aux Britanniques, ainsi que certaines parties d'autres villes portuaires. Les Britanniques lancèrent la Seconde Guerre de l'opium de 1853 à 1858, au cours de laquelle ils prirent davantage de territoire chinois et forcèrent la Chine à légaliser l'opium.

Pendant des siècles, la Chine a eu la plus grande économie du monde (Ndt jusqu’aux « grandes découvertes européennes »  du 16° siècle), vendant bien plus de biens à l’étranger qu’elle n’en importait. Les guerres de l'opium ont été menées au nom du "libre-échange", c'est-à-dire le droit des barons britanniques et américains de la drogue à ouvrir le marché chinois.

Impérialisme moderne

La vente de drogue à la Chine ne s’est pas terminée au XIXe siècle. Sous le règne du président Ronald Reagan, par exemple, les États-Unis ont forcé la Chine, le Japon, la Corée du Sud et Taiwan à acheter des cigarettes fabriquées aux Etats-Unis, le tout au nom de l'ouverture de leurs marchés au libre-échange. (Ndt : l’impérialisme étasunien continue à utiliser la drogue contre ses adversaires extérieurs et intérieurs)

Mais dans les années 1980, la République populaire de Chine a émergé comme  grande puissance mondiale, et la Grande-Bretagne a accepté d’abandonner Hong Kong. En 1997, la Grande-Bretagne a restitué Hong Kong à la souveraineté chinoise en acceptant de maintenir deux systèmes politiques et économiques différents. On l'a appelé "un pays, deux systèmes".
Ce  principe « Un pays, deux systèmes » a été une étape audacieuse, quelque chose qui n'avait jamais été essayé auparavant. La Chine maintiendrait son économie socialiste; Hong Kong resterait capitaliste. Hong Kong conserverait des institutions de gouvernance établies par le Royaume-Uni, y compris des tribunaux indépendants, mais aussi des élections indirectes de dirigeants politiques. Un pays, deux systèmes durerait 50 ans. (Ndt : donc en 2047 Hong Kong devrait en application de cet accord devenir une ville chinoise comme les autres)
Le Parti communiste chinois espérait qu'avec le temps, les habitants de Hong Kong comprendraient les avantages du socialisme et rejoindraient volontairement le continent. Ils espéraient que Hong Kong pourrait être un modèle pour intégrer Taïwan en Chine.

Mais Hong Kong existait depuis plus de 100 ans en tant qu’entité distincte, et la réunification n’allait pas être facile. De nombreux Hongkongais cherchent à maintenir leurs institutions capitalistes aussi longtemps que possible. Ils veulent l'élection directe de dirigeants politiques et un pouvoir judiciaire qui en cas de conflit avec Pékin penche dans leur sens.
Les Hongkongais ont développé leur propre identité, note Tom Fowdy, un analyste chinois qui a étudié à l'université de Hong Kong. "Sur le papier, ils appartiennent au même groupe ethnique, mais ils sont culturellement différents."

Droit de l'extradition

Les racines de la contestation actuelle sont le cas de Chan Tong Kai. En février, il s'est envolé pour Taïwan avec sa petite amie, l'a étranglée, empaillé son corps dans une valise, l'a jetée dans un champ, et est retourné à Hong Kong en avion. Bien qu’il ait avoué, il ne pouvait être envoyé à Taïwan parce que Hong Kong n’avait pas de traité d’extradition. (Hong Kong a conclu des accords d'extradition avec 20 pays, mais pas avec la Chine, Macao et Taïwan.)

Les autorités de Hong Kong n'ont pas pu inculper Chan d'un meurtre commis ailleurs. Ainsi, un tribunal de Hong Kong l'a condamné à une peine moins lourde et à quelques mois de prison.
L'indignation suscitée par l'affaire Chan a conduit les législateurs de Hong Kong à élaborer une loi qui autoriserait l'extradition vers n'importe quel pays au cas par cas. Taïwan a par la suite indiqué qu'elle ne demanderait pas l'extradition de Chan, ce qui rendait l'affaire du meurtre sans objet. Mais la question de l'extradition est restée sur la table.

Les critiques affirment que la loi proposée permettrait à la Chine de. Les critiques affirment que le projet de loi permettrait à la Chine d'extrader et d'emprisonner des dissidents politiques de Hong Kong. Cependant, les partisans de la loi soulignent qu'une infraction passible d'extradition doit constituer un crime tant en Chine qu’à Hong Kong, ce qui protège les Hongkongais contre une arrestation arbitraire. Et la loi interdit expressément l’extradition pour des crimes politiques. En outre, le projet de loi accordait au chef de l’exécutif de Hong Kong le pouvoir d’examiner les demandes d’extradition et prévoyait deux procédures de contrôle judiciaires distinctes. Et selon le bureau du directeur général, l'extradition ne «concernerait que 37 infractions passibles d'une peine d'emprisonnement de sept ans ou plus, et aucune d'entre elles n'interdit l'exercice du droit à la liberté d'expression». Mais beaucoup de personnes à Hong Kong ne font tout simplement pas confiance à Pékin. Ils citent des exemples de cas où la Chine a placé des résidents de Hong Kong en détention provisoire sans suivre les procédures judiciaires. «Le Parti communiste chinois ne respecte plus les deux systèmes», a déclaré l'activiste Leong. «Il  ne respecte que ‘un pays’.»

Les Manifestations

Le 31 mars, les Hongkongais ont manifesté contre le projet de loi. En juin, les manifestations, pour la plupart pacifiques, ont atteint des centaines de milliers de personnes. Le 9 juin, les organisateurs ont annoncé que deux millions de personnes avaient marché, tandis que la police chiffrait à 338 000 personnes.

Ensuite le 1 Juillet dans une action préprogrammée  des centaines de militants ont pénétré de force dans les locaux de l’assemblée Hong Kongaise, ils ont détruit du matériel et ont bombé des graffitis anti communistes sur les murs. Ils ont déposé le drapeau britannique sur le bureau de l’assemblée.

 Selon l’analyste Fowdy,  l’affichage du drapeau britannique ne signifie pas que les manifestants veulent un retour à la domination britannique. Au contraire, ils veulent que Hong Kong «reste une région administrative spéciale sous souveraineté chinoise. Ils ne veulent pas que Hong Kong soit juste une autre ville chinoise. » Quelle que soit l’intention des militants, le fait de lever le drapeau britannique donne à mon avis l’impression qu’ils sont en faveur de l’indépendance. Cela fait le jeu des puissances occidentales qui cherchent depuis longtemps à diviser la Chine.

Ce n’est pas un hasard si la plupart des médias traditionnels de masse soutiennent sans réserve les manifestants et cherchent à excuser les actes de violence. Un article d'opinion paru dans le Wall Street Journal a exhorté les lecteurs à considérer le vandalisme comme «un acte de désespoir après des années de frustration». Je n'ai pas encore vu ce journal appliquer cette logique aux manifestants de « Black Lives Matters » aux États-Unis.

Là se trouve la question de fond : Hong Kong est chinoise; ce n’est pas un pays indépendant. Toute tentative d'indépendance indispose les Chinois du continent, et pas seulement le gouvernement de Pékin. Contrairement à l'impression laissée par les grands médias, l'opinion de Hong Kong est divisée sur le droit de l'extradition. Le 30 juin, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées pour manifester en faveur du projet de loi sur l'extradition et en soutien au gouvernement de Hong Kong. Les législateurs disent avoir recueilli 700 000 signatures vérifiées sur une pétition soutenant le projet de loi.

Pour le moment, toutefois, l'élan est avec les forces antigouvernementales. La directrice générale de Hong Kong, Carrie Lam, a suspendu le projet de loi et l'a déclaré «mort» le 9 juillet. Les critiques disent que cela ne suffit pas. Ils veulent qu'elle retire complètement la législation et démissionne. Les manifestations vont donc probablement continuer. La Chine et Hong Kong s’efforceront pendant de nombreuses années de déterminer exactement ce que «un pays, deux systèmes» signifie réellement.

***

22 ans après

Hong Kong, place forte capitaliste du commerce international en 1997 à la mise en œuvre du traité entre le Royaume Uni et la République de Chine, a perdu beaucoup de sa puissance d’antan.

Quelques exemples :

Transports aériens : CATHAY PACIFIC  trésor du plus puissant  groupe colonial britannique SWIRE (avec JARDINE et MATHESON) reste encore bien classé dans les classements mondiaux mais est dépassée soit par le nombre de passagers transportés soit par la capitalisation boursière par trois compagnies chinoises : Air China (à qui il est associé pour les vols à l’intérieur  de la Chine , China Eastern  China Southern.

Transports maritimes : Le récent rachat pour 6 milliards de dollars de la compagnie historique hongkongaise OOCL par l’armement chinois COSCO a porté cette dernière au troisième rang des transporteurs mondiaux de conteneurs derrière Maersk et MSC.

Ports maritimes : En tonnage global le port de Hong Kong est maintenant dépassé par plus de dix ports chinois et pour les conteneurs il est dépassé par ses deux proches voisins Shenzhen à ses débuts  en 1997 et Guangzhou (Canton).

Bourses : Hong Kong reste une bourse active mais est largement dépassée pour le volume des transactions par Shanghai et Shenzhen avec lesquelles elle est étroitement connectée

Banques : L’historique HSBC (Hong Kong and Shanghai Banking Corporation) qui fit fortune au moment des guerres de l’opium dont la direction générale demeure à Hong Kong mais dont le siège est désormais à Londres n’est plus capable de faire de l’ombre à ses nombreuses consœurs chinoises : ICBC,  Bank of China, China construction Bank, Agricultural Bank of China. Elle n’occupe plus que le 7° rang mondial.

En bref, ceci veut dire que depuis 1997 et l’entrée de la République populaire de Chine dans l’OMC en 2000, la puissance du capital anglo-saxon international matérialisée dans l’économie hongkongaise a faibli, n’est plus en mesure d’impressionner Pékin ni encore moins de peser sur  la politique économique de la République populaire. Certes Hong Kong reste une grande métropole de 7 millions d’habitants mais elle n’est plus que la 7° ville de chine et ne regroupe que  0,5 % de la population chinoise totale. Et il reste 28 ans avant l’échéance de 2047. La partie de jeu de go, l’absorption de Hong Kong sans tirer un coup de canon, commencée en 1997, va continuer.

 

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