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20 juin 2018 3 20 /06 /juin /2018 15:08

RETOURNEMENT DE SITUATION ET DE  GAZODUC

 Malgré l’extrême prudence des journalistes des médias dominants nul ne doute aujourd’hui de la déstabilisation profonde de la direction politique de l’UE : brutale attaque de l’ « allié » US contre les intérêts capitalistes européens en Iran, grave crise gouvernementale en Italie, crise politique en Espagne, sans oublier le Brexit et un développement de l’euroscepticisme dans les opinions publiques.

Bien qu’elle soit toujours la cible de campagnes russophobes et qu’arrive à ses frontières des blindés et des soldats US toujours plus nombreux, la Russie garde la tête froide et va réussir un très joli coup gazier.

Le 25 Mai le président russe a rencontré le premier ministre Bulgare Boris Borissov et ils ont parlé gaz.

On se souvient que dans sa version initiale le gazoduc sous marin SOUTH STREAM devait relier la Russie à la Bulgarie. En 2014 l’UE a interdit à la Bulgarie de donner suite à ce projet qui lui aurait permis d’être u nouveau point d’entrée du gaz russe sur le territoire de l’Union. Le trajet du gazoduc sous marin a donc été modifié au lieur d’aboutir sur la côte bulgare il aboutit ou va bientôt aboutir – les travaux de pose sont très avancés – sur la côte turque  à l’ouest du Bosphore SOUTH STREAM est donc devenu TURKSTREAM.

Ce dont Vladimir Poutine et Boïko Borissov ont convenu c’est de livrer le gaz russe à la Bulgarie et au-delà à d’autres pays européens intéressés ( Serbie, Hongrie, Slovaquie…) via le Turkstream La solution est très simple. Il existe aujourd’hui un gazoduc TransBalkan – voir plan ci-joint – qui fonctionne dans le sens Ukraine Bulgarie. Il suffira donc de faire fonctionner ce gazoduc dans l’autre sens, opération technique aujourd’hui bien maitrisée et le gaz venu de Turkstream arrivera en Bulgarie.

Le perdant dans l’opération est l’Ukraine : le gaz destiné à la Bulgarie passe aujourd’hui sur son territoire, il n’y passera plus et ce sera autant de droits de passage perdus. La politique farouchement anti-russe du gouvernement de Kiev a un coût et l’Ukraine continue à payer le prix de ses divers chantages aux coupures de gaz russe destiné aux pays de l’Union Européenne et à s’enfoncer dans une crise profonde. Ces droits iront donc à la Bulgarie pays pauvre parmi les pauvres de l’Union Européenne.

 

Gaz en mer noire
Gaz en mer noire
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5 avril 2018 4 05 /04 /avril /2018 16:59

L’UNION EUROPEENNE EST UNE CAGE !

***

La recension du récent livre de l’essayiste italien Domenico Moro par Vladimiro Giacché qu’a traduite Marie Ange Patrizio (voir ci-après) donne envie d’avoir bientôt entre les mains sa traduction française.

En effet  mises à part quelques allusions à la situation italienne qui renvoient d’ailleurs à la situation antérieure aux dernières élections législatives qui ont bouleversé le paysage politique au détriment des partis les plus pro-européens (allusions lointaines comme celle faite au MANIFESTO DI VENTOTENE manifeste pour une Europe fédérale rédigé en 1941 par des opposants au fascisme, ou allusions récentes : modification par le gouvernement Renzi de l’article 18  de la constitution dit statut des travailleurs  qui, dit très succinctement , posait la règle de la réintégration par une décision de justice d’un salarié victime d’un licenciement abusif) le livre de Domenico Moro aborde une question qui concerne en fait toute la gauche européenne et son avenir parce qu’elle ne lui pas donné jusqu’à présent de réponse politiquement progressiste.

Moro  souligne que la négation de la nation a profité et profite aux élites cosmopolites et non pas aux peuples à qui la souveraineté a été arrachée par les mécanismes mêmes de l’Union Européenne et de l’Union Economique et Monétaire.

En effet les peuples européens ont conscience que leur expression électorale, aussi insuffisante qu’elle soit, bridée et manipulée qu’elle est de nos jours par le capitalisme médiatique, ne sert plus aujourd’hui qu’à désigner des équipes qui n’ont aucune autonomie politique par rapport aux structures oligarchiques : Commission européenne, Banque centrale européenne , mécanismes de l’Euro , institutions et mécanismes sur lesquels l’électeur européen, où qu’il soit, n’a aucune influence et où au contraire sévissent hors de tout contrôle démocratique les élites cosmopolites au service du Capital qui occupent aujourd’hui la totalité des postes de direction à la fois dans les institutions européennes et dans les grands oligopoles financiers et industriels.

Rendre à nouveau le peuple souverain c’est arracher le pouvoir à ces élites cosmopolites. Il s’agit bien d’un choix de classe.

Poser que la Nation est une collectivité humaine qui a un sens  a une conséquence d’importance :l’inter-nationalisme, rapport entre nations égales en droit pouvant passer entre elles des contrats, notion à l’opposé du cosmopolitisme lequel s’acharne à dissoudre les Etats-Nations au profit de la domination du Capital sans frontières.

Domenico Moro vient ainsi mettre un terme sur le terrain de la philosophie aux vaticinations déracinées de Toni Negri et quelques autres qui ont tenté de détruire la conscience de classe. Ils ont travesti l’opposition CAPITAL / TRAVAIL en opposant abstraitement deux concepts globalisés vagues et non opératoires : l’EMPIRE et la MULTITUDE.  Ils ont  ainsi contribué à noyer les luttes de classes dans la mer des sargasses du cosmopolitisme. DOMENICO MORO rétablit les nations comme points d’appui premiers des luttes de classes et les réflexions auxquelles Vladimiro Giacché invite  la gauche italienne sont à mener de toute urgence en France où le Président de la République cache mal des penchants fortement fédéralistes et applique une politique d’affaiblissement/destruction de l’Etat dont il est le chef.

Comaguer 31.03.2018

Lire :

 

De Domenico Moro

La crise du capitalisme et Marx

Le groupe de Bilderberg

 

De Vladimiro Giacché

Le second Anschluss (l’annexion de la RDA)

 

Trois livres publiés par les Editions Delga

***

Voilà pourquoi sortir de leuro ne serait pas historiquement une régression

 

Vladimiro Giacché

 

Pour marx21.it, 26 février 2018 (note COMAGUER : texte publié avant la constitution du nouveau gouvernement allemand et avant les élections législatives italiennes)

 

Recension du nouveau livre de Domenico Moro, La gabbia delleuro. Perchè uscirne è internazionalista e di sinistra (La cage de leuro. Pourquoi en sortir est internationaliste et de gauche)

 

Contribution au débat sur communistes et question nationale ouvert sur notre site

 http://www.marx21.it/index.php:

 

 

Il est aujourdhui difficile de considérer la gauche européenne autrement que comme un amas de débris. Cest vrai dans toute lEurope (emblématique le cas de lAllemagne, où un écroulement sans précédents du SPD -qui selon les derniers sondages ne recueillerait que 16% des voix- saccompagne dune Linke incapable de bénéficier de cette situation, en restant autour des 10%, tandis que lAfD serait carrément devenu le second parti). Mais cest surtout dans notre pays que la destruction de la gauche a atteint des niveaux tout simplement inimaginables il y a quelques années seulement- sans parler du temps où lItalie se trouvait en présence du plus grand parti communiste dOccident.

 

Nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur la genèse de cette situation, qui évidemment a plus dune cause. Et pas, cependant, celle si chère à une vulgate désormais en vogue depuis des décennies : selon laquelle les problèmes de la gauche italienne naîtraient dune présumée incapacité à se réformer, cest-à-dire -concrètement- du refus de sapproprier de mots dordre modérés et dadopter des politiques de simple gestion de lexistant, en abandonnant toute velléité de transformation sociale.

 Cette théorie savère de façon flagrante démentie par les faits : jamais la gauche italienne, dans ses composantes numériquement les plus significatives, na été plus compatibleet complaisante à lordre constitué -et jamais elle na été plus proche dune débâcle électorale de portée historique. On serait tenté d’être plus drastique, et de dire que jamais la gauche na été plus distante de la réalité de ce qui arrive aujourdhui. Cependant cest une distance qui ne naît pas dune rigueur obstinée envers sa propre tradition et sa propre culture, mais justement de lattitude opposée : de labandon total et inconditionnel aux mots dordre de ladversaire (on aurait autrefois ajouté “de classe), de lassimilation de lidéologie de celui-ci, et -en conséquence- de la poursuite de ses intérêts, au lieu des intérêts de ses propres classes de référence.

 

Voilà à quoi nous avons affaire quand nous écoutons des expertsou politiciens de gaucheaffirmer que les problèmes de compétitivité des entreprises italiennes peuvent se résoudre en démantelant les tutelles prévues par larticle 18 du Statut des travailleurs[1] ; quand nous les entendons se vanter de ce quils sont arrivés à privatiser et se promettre de faire encore plus et mieux à ce sujet, ou quand nous les voyons voter au Parlement le recul de l’âge de la retraite ou le renversement de larticle 81 de la Constitution[2] sur proposition du gouvernement des techniciens(un gouvernement -il faut le rappeler- qui, né pour réduire la dette publique, sest révélé tellement compétent quil nous laisse 13% de dette en plus).

 

Mais quy a-t-il de commun entre ces très concrets (et très erronés) choix politiques ? Le fait quils ont été prescrits par les autorités européennes comme cures pour résoudre les problèmes de notre pays. Avec le résultat évident de les aggraver, et en particulier de détruire une capacité productive, de doubler le nombre de chômeurs et dappauvrir ceux qui ont encore un travail. Mais il ne suffit pas de renvoyer à Schäuble et à la Troïka, ni au succédané de cette dernière en Italie, Mario Monti, pour comprendre lorigine de ces choix politiques. Ils sont en effet parfaitement cohérents avec les Traités européens -de marque totalement libérale au moins depuis lActe Unique Européen de 1986-, et plus encore avec lappartenance de notre pays à une monnaie unique : monnaie dans laquelle, grâce à l’élimination dun mécanisme automatique de ré-équilibrage entre les différentiels de compétitivité comme celui représenté par les réajustements du change, est devenue parcours obligé la voie de la déflation salariale (dans un suivisme impossible du pays hégémonique de la zone, qui depuis des décennies a pris comme drapeau un mercantilisme monétaire fondé sur la modérationsalariale).

 

Maintenant, quand on essaie dobserver tout cela, on se trouve à gauche devant un mur. Et pas seulement avec la dite gauche modérée(définition en vérité désormais périlleusement proche de celle de feu mouillé”), mais aussi avec de nombreux représentants de la dite gauche radicale. Lesquels, bien que partageant en paroles la critique envers les politiques de ces dernières années, sarrêtent juste avant daffronter le problème à la racine : cest-à-dire la mise en question de la monnaie unique européenne et lUnion européenne. Nombre dentre eux aussi, en effet, au lieu de prendre acte que lUnion européenne est irréformable (et elle lest littéralement, étant donné que les Traités ne peuvent être changés qu’à lunanimité), et que la monnaie unique est de toute évidence pour le moins une partie significative des problèmes auxquels nous faisons face, préfèrent s’échapper dune part dans le rêve radieux dune autre Europe(sans jamais arriver à en définir ni les contours ni une voie concrètement praticable pour y arriver), dautre part dans une métaphysique obscure. Métaphysique de limpossibilité (sortir [de lUE] est impossible), de langoisse (sortir serait une catastrophe) et de la régression (sortir serait historiquement une régression).

 

Démonter les trois piliers de cette métaphysique est une priorité absolue pour quiconque aujourdhui veut faire un peu de clarification à gauche. Un livre de Domenico Moro La gabbia delleuro. Perchè uscirne è internazionalista e di sinistra vient à peine d’être publié ;  il a le grand mérite daffronter avec de solides arguments notamment la métaphysique de la régression. Qui dans le texte est synthétisée ainsi : la sortie de leuroserait politiquement et historiquement régressive, parce quelle représenterait le retour à la nation(concept, pour sa part, observe justement lauteur, identifié à celui du nationalisme). À cette position Moro répond de façon très articulée et convaincante, sans dédaigner notamment dopérer une lecture critique du Manifesto di Ventotene(un des textes les plus cités et les moins lus du XXème siècle), ou de parcourir lhistoire de lidée de nation depuis le XVIIIème siècle.

Sur leuropéisme, sa thèse de fond est celle-ci : lidéologie européiste est une articulation directe, en Europe, de lidéologie cosmopolite, quon ne doit absolument pas confondre avec linternationalisme. Donc, comme cette fausse identification est une part importante de l’équivoque par lequel leuropéisme serait progressisteet de gauche, il conviendra  maintenant de citer in extenso les affirmations de lauteur à ce sujet :

 

Linternationalisme, comme partie de la pensée socialiste des XIXème et XXème siècles, ne fait pas abstraction de lexistence des nations et des Etats et a un caractère collectif et de classe. En fait, il se propose de dépasser les différences et les rivalités nationales et étatiques par la construction dune solidarité et dune unité dobjectifs économiques et politiques entre classes subalternes et travailleurs salariés appartenant à des nationalités différentes, face au capital. Linternationalisme tient compte de lexistence des nationalités et soutient le principe de lautodétermination des peuples, cest-à-dire le droit à la séparation, comme instrument de lutte contre loppression de limpérialisme et des régimes autoritaires et arriérés. Mais il cadre toute la question nationale à lintérieur de la défense des intérêts généraux du travail salarié et des classes subalternes, et lutte contre tout ce qui divise et met en concurrence les travailleurs, y compris les différences nationales.

 

Le cosmopolitisme, au contraire, fait abstraction des nations et a un caractère individualiste. Lindividu se sent citoyen du monde, au lieu d’être lié à une communauté territoriale déterminée. Sur le plan économique, le cosmopolitisme exprime laspect de la mobilité, une des caractéristiques vitales du capital, qui requiert à la fois lexistence de lEtat territorial, pour les garanties et les règles que celui-ci peut offrir, et une ample liberté de mouvement au-dessus et à travers les frontières étatiques. Le cosmopolitisme comme idéologie naît dans la période des Lumières ; il est lœuvre de la maçonnerie, organisation secrète qui naît dans une vision universaliste, et en général des élites capitalistes liées aux intérêts mondiaux et à des réseaux de relations supranationaux, plutôt que seulement à de spécifiques relations territoriales [] Le caractère cosmopolite va être accentué dans des moments historiques particuliers, par exemple dans la période actuelle, quand saffirme la tendance à linternationalisation des capitaux. Les élites transnationales contemporaines ont un caractère cosmopolite marqué : elles étudient dans les mêmes universités de prestige mondial, fréquentent les mêmes cercles et les mêmes think tank internationaux (la Commission Trilatérale, le Groupe Bilderberg, lAspen Institute), ont des résidences dans les plus grandes métropoles européennes et étasuniennes, mais surtout se rencontrent dans les conseils dadministration dentreprises et de banques transnationales. Le cosmopolitisme est alimenté par des mécanismes spécifiques dintégration des élites : les interlocking directorates, qui prévoient la participation simultanée à des conseils dadministration de différentes entreprises, et le mécanisme des chaises tournantesqui se fonde sur lalternance de charges dans des entreprises et des banques, dans ladministration étatique, dans les organismes supranationaux et dans les institutions universitaires.

  

  Comment situer lUE et lUnion économique européenne dans ce contexte ? Selon Moro lunion européenne (UE) et lUnion économique et monétaire (UEM) sont la manifestation dune phase du capitalisme dans laquelle l’élément cosmopolite a un plus grand poids à la fois  en regard de la phase classique de limpérialisme territorial des années allant de 1870 à 1945, et en regard de la phase de décolonisation et de pré-mondialisation allant de 1950 à 1989, année où, avec la dissolution de lURSS, on fait débuter la dite mondialisation, qui nest dailleurs rien dautre que l’élargissement au niveau mondial du marché capitaliste, au moyen de labattement ou de la restriction des barrières étatiques en faveur de la libre circulation de capitaux et marchandises. LUEM, en effet, en favorisant et accentuant la fuite des mécanismes de laccumulation au-delà du périmètre de contrôle de lEtat, donne libre cours au déplacement du barycentre de laccumulation dun niveau national à un niveau international.

Cest dans cette grille de lecture que Moro présente le lien entre lunion monétaire et la théorie (et la pratique) de la contrainte externe, qui a accompagné les différentes phases de lintégration européenne de lItalie depuis les années Quatre-vingt : Leuro a été le principal instrument de réorganisation de laccumulation dans la phase capitaliste mondiale, dans les spécifiques et particulières conditions économiques et politiques de lEurope occidentaleEn Europe continentale (par rapport aux îles britanniques), surtout en Italie, France et Espagne, à cause des rapports de force économiques et politiques particuliers existant entre les classes sociales, il a fallu avoir recours au levier de la contrainte externe européenne. Ce levier a permis de contourner parlements et systèmes électoraux qui, exprimant des intérêts diversifiés, ne permettaient pas la gouvernabilité si souhaitée, cest-à-dire la capacité des gouvernements à mettre en pratique les contre-réformes de lEtat-providence et des marchés des capitaux, des marchandises et du travail, voulues par le capital et imposées pour son compte par la BCE et par la Commission européenne. Et cest pour ces raisons, conclut Moro, que lidéologie dominante, cest-à-dire lidéologie des cercles économiques hégémoniques, nest pas aujourdhui celle du nationalisme, mais bien celle du cosmopolitisme. En effet, lidéologie nationaliste ne représente pas, dans cette phase historique, les intérêts de fond du grand capital européen. On peut comprendre cela, observe Moro, en considérant que le concept de nation et ceux de patrie et de peuple qui lui sont liés, ont changé au cours du processus historique et, dans chaque période, ont pris des significations diverses en fonction du point de vue, cest-à-dire de lorientation, politique et de classe.


  Entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème, les concepts de nation et de patrie deviennent linstrument idéologique des puissances européennes nouvelles et anciennes en compétition, en France et en Italie comme en Allemagne, pour la création de consensus autour des politiques impérialistes, et finalement pour la mobilisation des masses dans la guerre mondiale. On passe ainsi de la nation au nationalisme, cest-à-dire à une conception de supériorité de sa propre nation sur les autres. Dans le même temps, cependant, on assiste au développement du concept de nation dans un sens progressiste, cest-à-dire comme lutte contre loppression impérialiste des peuples, en Europe et surtout dans les colonies.

 

En Europe, après la première guerre mondiale, le concept de nation se trouve dirigé et exacerbé par le fascisme et par le nazisme. Lidée de nation et de patrie se réanime surtout à la suite de linvasion nazi-fasciste des pays européens, et surtout après linvasion de lURSS. Où le parti communiste fait appel au peuple entier pour la défense de la patrie dans la lutte contre linvasion nazie, qui, de fait, sera définie comme Grande guerre patriotique. En Occident aussi la Résistance nest pas seulement lutte contre le fascisme mais en même temps lutte contre lenvahisseur étranger. En conséquence, elle prend, entre autres connotations, celle de guerre patriotique. Les formations partisanes italiennes, indépendamment de leur couleur politico-idéologique, choisissent souvent de prendre un nom faisant référence à des patriotes du Risorgimento : Mazzini, Pellico, Menotti, frères Bandiera, etc. Les formations partisanes mêmes du Parti communiste italien, majoritaires dans la Résistance italienne, se réclament fréquemment de la tradition du Risorgimento, en prenant par exemple le nom collectif de Brigades Garibaldi. Après la guerre, le PCI de Togliatti comme on le sait développera, surtout après 1956, la voie nationale ou italienne au socialisme.  Moro observe -à juste titre- que cela fut la dernière véritable stratégie que les communistes se donnèrent en Italie.


Revenant à nous, quelle signification peut-on attribuer aujourdhui à la nation ? Domenico Moro répond : La nation est un fait objectif, cest-à-dire quelle existe jusquaujourdhui en tant quindividualité historique. Toutefois, elle prend une signification politique et idéologique différente selon qui en dirige linterprétation et selon le contexte socio-économique historique. Et la situation actuelle est caractérisée par le fait quel’élite capitaliste a abandonné le concept de nation ou, pour être plus précis, la mis au second plan et rendu subalterne à lautorégulation du marché et aux institutions supranationales. Alors que jusque récemment existaient des intérêts communs, entre l’élite économique et les secteurs subalternes, ou du moins la possibilité quon puisse établir un pacte social au niveau national, aujourdhui ce pacte a été déchiré justement par cette élite de plus en plus internationalisée. De sorte que la précédente unité de la communauté nationale, même en ayant toujours exclus une part plus ou moins grande des subalternes, sest profondément fracturée [] Le capital a déchiré le pacte social keynésien, cest-à-dire la base matérielle de la Constitution, et aujourdhui ses intérêts, notamment en Italie et dans les autres pays les plus pénalisés par lintégration européenne, sopposent objectivement aux intérêts populaires, ceux de la majorité de la population. Pour la pensée dominante le concept même de peuple est à présent politiquement incorrect, au point de déclarer quen suivre les intérêts revêt une acception négative, et devient populisme.

 

A l’égard de tout cela, lauteur revendique la valeur actuelle et le caractère progressiste dun patriotisme constitutionnel, cest-à-dire de lappartenance à une communauté nationale conditionnée par le respect et la relance de la Constitution. Une Constitution, cependant, non pas détournée par les modifications demandées par lEurope comme cest le cas aujourdhui, mais bien dans son enracinement originel et surtout unie à la critique du capitalisme. Surtout, ce qui distingue une conception progressiste et actuelle de nation dune conception réactionnaire et arriérée est la question du pouvoir. La conception progressiste, en effet, se fondant sur le principe de la volonté populaire, doit se poser en perspective la question de la conquête du pouvoir de la part des classes subalternes et, dans limmédiat, celle de laction pour la modification des rapports de force entre les classes. Pour ces raisons justement, la récupération de la volonté populaire et du patriotisme constitutionnel, dans le contexte fortement cosmopolite et internationalisé, ne peut que se configurer, si nous voulons rester dans le concret et non dans les abstractions théoriques, en termes à la fois nationaux et internationalistes. Mais, seule la récupération de la volonté populaire et lamélioration des rapports de force à un niveau national, dans les conditions spécifiques de lintégration européenne, peuvent poser les fondements pour le développement dune politique internationaliste, qui soit capable donc de construire une collaboration et une unité dintentions entre les salariés et les subalternes dEurope.

 

Mais que signifie concrètement récupération de la souveraineté démocratique et populaire? Cela signifie dabord le rétablissement dun contexte de lutte où les subalternes ne soient pas battus au départ, moyennant la réintroduction de mécanismes économico-institutionnels qui permettent de redéfinir des rapports de force plus favorables au travail salarié. Ces mécanismes se concrétisent, avant tout, en replaçant au niveau de l’état le contrôle sur la monnaie, afin de manœuvrer sur les changes et dattribuer à la Banque centrale le rôle de prêteur de dernière instance et dachat des titres dEtat. De ce point de vue, observe Moro, la sortie de leuro [] est une condition certes non suffisante mais nécessaire, sur le plan politique, et pas seulement sur le plan économique, pour défendre les intérêts de travail salarié et surtout pour reconstruire une stratégie de changement à un niveau européen : cest-à-dire une stratégie internationaliste. Cest une conditio sine qua non, sans laquelle on ne peut ni promouvoir une politique de budget public expansionniste, ni un élargissement de lintervention publique, au moyen de véritables re-nationalisations de banques ou entreprises de caractère stratégique ; ni encore moins défendre efficacement salaires et Etat-providence. À lintérieur de leuro on peut et on doit lutter pour le travail, le salaire et lEtat-providence, mais les conditions nexistent pas pour déployer cette lutte jusquau bout et avec efficience.

 

Voilà pourquoi, pour répondre à la question qui donne son titre au livre, Moro affirme que sortir de la cage de leuro est de gauche. Mais est-ce aussi internationaliste? La réponse de Moro est affirmative. Elle procède dune analyse de la situation actuelle, dans laquelle les mécanismes de lintégration monétaire créent ou creusent les divisions entre les classes ouvrières des différents pays, en les mettant en compétition les unes contre les autres sur le plan du salaire et de la réduction de lEtat-providence ; en divisant les peuples entre les cigaleset gaspilleurs, comme les Grecs et les Italiens, et les fourmiset probes, comme les Allemands. Rien à voir, donc, avec le développement de solidarités et valeurs communes, rien à voir avec le dépassement du nationalisme et la recomposition de classe grâce à la mondialisation et à lEurope. Contre tout cela, seule une élaboration politique qui mette au centre la pratique de lobjectif du dépassement de leuro et des traités européens, en la reliant à une critique des rapports de production, à la crise du capital et au néolibéralisme, peut permettre de relancer une politique qui soit à la fois efficace au niveau national et internationaliste au niveau européen, permettant à la gauche de recréer une force politique qui ne soit pas vue comme résiduelle et désormais destinée au cimetière de lhistoire.

 

Il serait certes facile de mesurer la distance quil y a entre ces paroles et les positions dune grande partie des formations de gauche présentes aux élections du 4 mars. Mais il est sans aucun doute plus productif de remettre cette réflexion à laprès élections. La reprise dune gauche politique en Italie ne sera ni facile ni rapide. Elle devra repartir dune réflexion très sérieuse sur sa propre histoire, sur les erreurs accomplies et sur les choses à faire. À cette réflexion pourront difficilement être étrangers les thèmes traités dans le livre de Domenico Moro.

 

http://www.marx21.it/index.php/internazionale/europa/28776-ecco-perche-uscire-dalleuro-non-sarebbe-storicamente-regressivo

Traduction Marie-Ange Patrizio pour Comaguer (Comité Comprendre et agir contre la guerre, Marseille)

 

 

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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 14:20

22 MARS 1968

Cette date est souvent considérée comme le point de départ des évènements de MAI 68.

Les étudiants de la Faculté  de Nanterre ont entamé depuis quelques semaines des actions mettant en cause le fonctionnement et les objectifs de  l’Université. Le 22 mars ils élaborent sous la forme réduite et compacte du tract ci-après un texte  autour duquel le mouvement étudiant va se cristalliser et s’amplifier et ils vont eux-mêmes se proclamer MOUVEMENT DU 22 MARS c’est-à-dire s’instituer en tant qu’expression  d’une critique politique de la situation d’ensemble de ce gaullisme en difficulté, critique extérieure aux organisations , partis et syndicats, traditionnelles.

Le texte fait clairement référence : aux luttes ouvrières qui ont été nombreuses dans les mois précédents, à la crise de l’impérialisme (les Etats-Unis sont en difficulté au Vietnam malgré les énormes moyens mis en en œuvre) , à la réforme de la Sécurité sociale ( les ordonnances – déjà -  Pompidou d’Août 1967 ont déséquilibré la gestion des caisses au profit du patronat imposant un premier recul au dispositif mis en place en 1947), les transformations des techniques productives ( informatisation et cybernétisation) mettent en cause le travail vivant, le travail ouvrier,  (comme aujourd’hui la robotisation) , à l’attaque des libertés publiques ( comme aujourd’hui l’état d’urgence permanent).

Ce tract rédigé à Nanterre par une poignée d’étudiants a donc une portée politique très large et exprime un anticapitalisme déterminé.  Si l’on ajoute à cela le fait que les élections législatives de Mars 1967 ont fait apparaitre une poussée de la gauche ( PCF à 22% des voix, FGDS à 17% ) telle que la majorité gaulliste ne dispose avec ses alliés centristes que de deux voix de majorité à l’Assemblée  et que s’est ainsi manifesté clairement  la crise du pouvoir gaulliste qui va se conclure par l’arrivée à l’Elysée en 69 de Pompidou  (ancien fondé de pouvoir chez Rothschild)  on voit que ce texte est une expression synthétique d’une société française en crise, une  description du « fond de l’air » politique en ce début de printemps 1968.

A chacun de faire les comparaisons qu’il veut avec ce printemps 2018 qui éclot.

 

***

Vendredi 22 mars

TRACT

Le «  Manifeste des 142» voté à l'issue de l'occupation de la salle du Conseil dans la tour administrative de la faculté de Nanterre.

A la suite d'une manifestation organisée par le comité Vietnam national, pour la victoire du peuple vietnamien contre l'impérialisme américain, DES MILITANTS DE CETTE ORGANISATION ONT ETE ARRETES DANS LA RUE OU A LEUR DOMICILE PAR LA POLICE.

Le prétexte invoqué était les attentats qui eurent lieu contre certains édifices américains à Paris.

Le problème de la répression policière contre toute forme d'action politique se repose à nouveau.

Après

- Les flics en civil à Nanterre et à Nantes.

- Les listes noires

- La trentaine d'ouvriers et d'étudiants emprisonnés a Caen, et dont certains sont encore en prison.

- Les perquisitions et arrestations continuelles contre les étudiants de Nantes qui mirent à sac le rectorat...

... Le gouvernement a franchi un nouveau pas. Ce n'est pas aux manifestations que l'on prend les militants, mais chez eux.

Pour nous ces phénomènes ne sont pas un hasard.

Ils correspondent à une offensive du capitalisme en mal de modernisation et de rationalisation. Pour réaliser ce but, la classe dominante doit exercer une répression à tous les niveaux.

- La remise en cause du droit d'association pour les travailleurs,

- L'intégration de la sécurité sociale

- Automation et cybernétisation de notre société

- Une introduction des techniques psychosociologiques dans les entreprises pour aplanir les conflits de classe (on prépare certains d'entre nous à ce métier)

Le capitalisme ne peut plus finasser.

NOUS DEVONS ROMPRE AVEC DES TECH­NIQUES DE CONTESTATION QUI NE PEUVENT PLUS RIEN.

Le socialiste Wilson impose à l'Angleterre ce que de De Gaulle nous impose.

L'heure n'est plus aux défilés pacifiques comme celui organisé par le SNESUP jeudi prochain sur des objectifs qui ne remettent rien en cause dans notre société.

Pour nous l'important est de pouvoir discuter de ces problèmes à l'université et d'y développer notre action.

 

NOUS VOUS APPELONS A TRANSFORMER LA JOURNEE DU VENDREDI 29 EN UN VASTE DEBAT SUR

- Le capitalisme en 68 et les luttes ouvrières.

- Université et Université critique

- La lutte anti impérialiste

- Les pays de l'est et les luttes ouvrières et étudiantes dans ces pays.

 

A chaque étape de la répression nous riposterons d'une manière de plus en plus radicale et nous préparerons dès maintenant une manifestation devant la préfecture des Hauts de Seine.

POUR CELA NOUS OCCUPERONS TOUTE LA JOURNEE LE BATIMENT «C» POUR DISCUTER DE CES PROBLEMES PAR PETITS GROUPES

 DANS DIF­FERENTES SALLES.

Texte voté par 142 étudiants occupant de nuit le bâtiment administratif de la faculté de Nanterre (2 contre et 3 abstentions).

***

 

 

 

 

 

 

 

 

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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 14:17

Gaz naturel en Méditerranée Orientale

L’Egypte maitre du jeu

***

Une intense campagne de presse vient d’être lancée pour faire accroire qu’Israël producteur de gaz naturel (champs TAMAR et LEVIATHAN) s’installait comme le grand collecteur du gaz sous-marin régional et comme futur fournisseur privilégié de l’Union  Européenne grande assoiffée de gaz. Cette politique fortement appuyée par un certain Emmanuel Macron du temps où la Banque Rothschild l’avait détaché au Ministère des Finances à Paris s’est concrétisée par des déclarations tapageuses déclarant que le projet israélien avait reçu l’appui des gouvernements chypriote, grec et italien pour construire un gazoduc sous marin reliant les eaux israéliennes à la péninsule italienne.

Le gouvernement chypriote , en l’attente d’élections présidentielles qui l’incitaient à la prudence s’est prêté au jeu espérant ainsi trouver un débouché pour sa future production gazière confirmée par les résultats positifs des derniers forages  et le gouvernement grec bien qu’il ne puisse pour l’instant que nourrir des espoirs de forages positifs s’est laissé , comme à son habitude, convaincre et par Bruxelles et par Tel Aviv  - avec qui il entretient d’étroites et confiantes relations - de laisser passer, moyennant redevances,  le futur gazoduc dans les eaux grecques.

 Ah le beau projet ! Ne manquent plus à sa concrétisation que quelques dizaines de milliards d’Euros et quelques années.  Notons au passage que les techniques de pose de gazoducs sous-marins ont beaucoup progressé ces dernières années mais que la traversée d’Est en Ouest de la moitié de la Méditerranée pourrait se révéler un peu plus complexe et onéreuse que la traversée de la Mer Baltique mer peu profonde (gazoduc Nord Stream) ou de la mer Noire (gazoduc Blue Stream).

C’est alors que ZOHR est arrivé (voir notre bulletin n° 346 sur le blog de COMAGUER). Ce gisement de très grande capacité a été découvert dans les eaux égyptiennes et mis en exploitation avec une rapidité exceptionnelle. L’industrie du gaz naturel est une activité dans la quelle l’Egypte a des acquis technologiques et industriels d’importance. En effet à la fin des années 1990 l’Egypte a mis en exploitation de petits gisements dans la zone du delta du Nil, s’est dotée d’installations de liquéfaction de gaz naturel et a été pendant quelques temps un petit exportateur de GNL y compris vers la France. .Elle n’a donc pas à attendre la réalisation de nouveaux gazoducs sous marins pour reprendre sa place de grand exportateur. 

Restait la question de la part du gaz de Zohr à réserver à l’exportation sachant que l’Egypte doit fournir un très important marché intérieur. La réponse vient d’être fournie et constitue un véritable coup de maitre du gouvernement égyptien. Le nouveau ministre égyptien du pétrole,  TAREK EL MOLLA cadre de très haut niveau de l’industrie pétrolière internationale – il a été Directeur Afrique de CHEVRON  - a mené deux négociations.

La première avec le gouvernement chypriote une fois réélu le Président Anastasiades pour garantir à ce dernier l’évacuation vers l’étranger du gaz du nouveau gisement   Aphrodite  voisin de celui de Zohr. Chypre n’a donc plus  à attendre la construction du  grand gazoduc sous marin israélo-européen. La seconde avec le gouvernement israélien auquel l’Egypte va acheter sans tarder une partie de la production  de TAMAR et LEVIATHAN  qui sera acheminée vers l’Egypte par un gazoduc terrestre existant et de là pourra atteindre soit l’énorme marché intérieur égyptien soit  les marchés internationaux via les installations de liquéfaction égyptiennes existantes.

Double coup de maitre. Israël a beau à travers une « com » triomphante clamer qu’il s’apprête à vendre  du gaz à l’Egypte en réalité il passe un accord avec la nouvelle puissance gazière régionale.  Ce coup pourrait en annoncer un autre car l’Egypte pourrait également prêter la main au gouvernement libanais dans l’exploitation et la commercialisation des probables futurs gisements sous marins du pays du Cèdre.

Un seul acteur régional prend ombrage de cette nouvelle donne : la Turquie qui voit Chypre pendre place sur le marché international du gaz et prétend toujours au mépris du droit,  c’est-à-dire au nom de l’occupation illégale depuis 1974 de Chypre Nord, prendre sa part dans la future production sous marine chypriote  et qui manifeste par des actes militaires belliqueux son opposition aux projets de  collaboration de Chypre et de l’Egypte. L’UE va-t-elle une nouvelle fois laisser Chypre, état membre, être maltraité par la Turquie dominatrice ?

De son côté l’Egypte ne se laisse pas impressionner par les rodomontades d’Erdogan et sa marine avec à sa tête son navire amiral le fameux BPC MISTRAL construit à Saint Nazaire pour la Russie qu’elle a racheté dans d’excellentes conditions a pris position autour des installations de surface de Zohr.

Dernier changement sur la scène énergétique régionale : l’Irak et l’Egypte viennent de signer un accord qui prévoit la construction d’un oléoduc permettant  via la Jordanie la fourniture régulière de pétrole irakien à l’Egypte avec, là encore, la possibilité pour ce pétrole d’accéder aussi au marché international directement par un port égyptien sur la Méditerranée. Il s’agit donc d’un véritable désenclavement de l’Irak et d’un basculement de la géopolitique énergétique régionale au profit des pays arabes riverains de la Méditerranée au détriment des monarchies réactionnaires du Golfe.

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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 14:13

AU FIL DES JOURS ET DES LECTURES N° 213

04 mars 2018

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L’arrivée à la présidence de l’Afrique du Sud du milliardaire et  ancien syndicaliste Cyril Raphamosa vient de rappeler assez cruellement que la direction politique du pays par l’ANC depuis 1994 n’a pas modifié profondément les rapports de classe dans ce pays et que les revendications de transformation sociale portées par les combattants de la lutte anti-apartheid sont restées lettre morte .

Il nous a paru, à cette occasion,  intéressant de traduire le texte d’un discours du  grand journaliste australien JOHN PILGER prononcé en 2014 en Afrique du Sud. Il a prononcé en Novembre 2017 un discours très semblable avec les mêmes précisions sur l’histoire interne de l’ANC  mais dont le texte n’a pas été transcrit (pour les anglophones la vidéo de la conférence de 2017  est disponible sur  -

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- JOHN PILGER s’y exprime très clairement et très posément).

PILGER décrit bien le moment historique précis – les années 85 - où l’apartheid devient un obstacle au développement du capitalisme sud-africain  qui a été protégé sans relâche par le grand capital étasunien et à son insertion dans le mouvement général de néo libéralisation de l’économie mondiale (années REAGAN THATCHER) qui sera matérialisé par la chute de l’URSS.

Le Parti communiste sud-africain allié historique de l’ANC ne s’opposera pas à l’évolution de l’ANC. Il est vrai qu’à l’époque le mouvement communiste international est dans un très grand état de faiblesse. Malgré ce, à l’inverse de Mandela et de Ramaphosa, Chris Hani le dirigeant du PC sud africain sera assassiné dés sa sortie de prison.

George Soros plus tard affirmera que l’ANC au pouvoir a fait rentrer l’Afrique du Sud dans l’économie de marché, « elle est maintenant entre les mains du capital international ».

 

Afrique du Sud : 20 ans d'apartheid sous un autre nom - 13 avril 2014

Sur mon mur à Londres est ma photo préférée de l'Afrique du Sud. Toujours fascinant à voir, cette image de Paul Weinberg où une femme seule debout entre deux véhicules blindés, les infâmes "hippos", qui roulaient dans Soweto. Ses bras sont levés, poings serrés, son corps mince attirant à la fois l’attention et défiant l'ennemi.

C'était le premier mai 1985, le dernier grand soulèvement contre l'apartheid avait  commencé. Douze ans plus tard, mes trente ans d'interdiction d’Afrique du Sud enfin levés, j’eus un pincement de cœur au moment de débarquer à l’aéroport Jan Smuts quand je  tendis  mon passeport à l'agent de l'immigration noire. "Bienvenue dans notre pays", dit-elle.

J'ai rapidement découvert qu'une grande partie de l'esprit de la résistance incarné  dans cette femme courageuse de Soweto avait survécu, avec un ubuntu *qui a appelé l'ensemble de l'humanité africaine, la générosité et l'ingéniosité politique - par exemple, dans la résolution digne de ceux que je regardais former un mur humain autour de la maison d'une veuve menacée d’être privée  d’électricité, et leur refus des "maisons RDP" qu'ils ont appelé "cages" ; et dans les manifestations de masse palpitantes des mouvements sociaux qui sont parmi les plus sophistiqués et dynamiques dans le monde.

Au vingtième anniversaire du premier vote démocratique le 27 avril 1994, c'est cette résistance, cette force de la justice et du vrai progrès démocratique, qui devrait être célébrée, alors que sa trahison et son gaspillage devraient être compris et susciter une réaction.

Le 11 février 1990, Nelson Mandela est sorti sur le balcon de l'Hôtel de Ville du Cap avec le leader des mineurs Cyril Ramaphosa qui le soutenait. Enfin libre, il a parlé à des millions de personnes en Afrique du Sud et dans le monde. C'était le moment, une fraction de seconde aussi rare et puissante que n'importe quel autre dans le combat universel pour la liberté. Il semblait que la Puissance morale et la puissance de la justice pouvaient  triompher de tout, de toute orthodoxie. "C'est le moment d'intensifier la lutte", a déclaré Mandela dans un discours fier et mordant, peut-être son meilleur, ou le dernier de ses meilleurs discours

Le jour suivant, il apparut comme se  corrigeant lui-même. La règle de la majorité ne ferait pas de noirs des "dominants". Le recul s'est accéléré. Il n'y aurait pas de propriété publique ni des mines, ni des banques ni des monopoles industriels rapaces, pas de démocratie économique, comme il l'avait promis avec les mots : "un changement ou modification de notre point de vue à cet égard est inconcevable".

Rassurant L'establishment blanc et ses alliés étrangères dans les affaires – la véritable orthodoxie et le copinage qui avaient construit, entretenu et renforcé l'apartheid fasciste – sont devenus le programme  politique de la "nouvelle" Afrique du Sud.

Des accords secrets ont facilité cette évolution. En 1985, l'apartheid avait subi deux catastrophes : la bourse de Johannesburg s'était effondrée et le régime ne pouvait plus rembourser  sa  dette étrangère. En septembre de la même année, un groupe dirigé par Gavin Relly, président de l'Anglo-American Corporation, a rencontré Oliver Tambo, président de l'ANC, et d'autres agents de la guerre de  libération dans la région de Mfuwe en  Zambie.

Le message de Relly était qu'une "transition" de l'apartheid à une démocratie électorale noire  n'était possible que si "l’ordre " et "la stabilité" étaient  garantis. C'était le code libéral pour un État capitaliste dans lequel la démocratie sociale et économique ne serait jamais une priorité. L'objectif était de diviser l'ANC entre les "modérés" avec qui ils pouvaient "faire affaire " (Tambo, Mandela et Thabo Mbeki) et la majorité qui composait l'United Democratic Front (Front Uni Démocratique-FUD) et se battait dans les rues.

La trahison du FUD  et de ses composantes les plus efficaces, telles que l'Organisation Civique National, est aujourd'hui une histoire secrète poignante.

Entre 1987 et 1990, l'ANC dirigé par Mbeki a rencontré une vingtaine de membres éminents de l'élite afrikaner à un château près de Bath, en Angleterre. Autour de la cheminée à Mells Park House, ils buvaient du vin millésimé et du whisky de malt. Ils blaguaient en  mangeant  du raisin "illégal", d'Afrique du Sud alors soumis  à un boycott mondial, "c'est un monde civilisé », se rappelle Terreblanche Mof agent de change, et ami  de F.W. De Klerk. "Si vous prenez un verre avec quelqu'un... et encore un autre… cela apporte de  la compréhension. Vraiment, nous sommes devenus amis."

Ces réunions conviviales ont été si secrètes que personne à l’exception d’un  petit nombre de dirigeants de l'ANC n’en connaissait l'existence. Les premiers à évoluer furent ceux qui ont profité de l’apartheid, comme le géant minier britannique Consolidated Goldfields, qui régla l’addition  à Mells Park House. Le point le plus important discuté autour de la cheminée était de savoir  qui contrôlerait  le système économique derrière la façade de la "démocratie".

Dans le même temps, Mandela menait  ses propres négociations secrètes dans la prison de Pollsmoor. Son principal contact était Neil Barnard, un vrai apôtre de  l'apartheid qui a dirigé le Service national de renseignement. Des Confidences furent  échangées, des garanties recherchées. Mandela a téléphoné à P.W. Botha pour  son anniversaire ; le Groot Krokodil l’a invité à prendre le thé et, comme Mandela l’a noté, il a lui même servi le thé à son prisonnier. "Je suis sorti » a déclaré Mandela, « avec le sentiment que j'avais rencontré un créatif, un chef d’état chaleureux qui m'a traité avec tout le respect et la dignité que je pouvais attendre."

C'était cet homme qui, comme Verwoerd et Vorster avant lui, avait envoyé toute une nation africaine dans un goulag vicieux qui était caché du reste du monde. La plupart des victimes ont été privées de justice et de reconnaissance  pour  cet énorme crime d'apartheid. Presque tous les verkramptes - comme les extrémistes, « créatifs et chaleureux » comme  Botha – ont échappé à la justice.

Quelle ironie que ce soit Botha qui dans les années 80 - bien avant l'ANC une décennie plus tard - qui ait démantelé l'échafaudage de l’apartheid racial et, surtout, ait organisé la promotion d'un classe de noirs riches qui jouent le rôle sur lequel  Frantz Fanon avait mis en garde  comme une "ligne de transmission entre la nation et un capitalisme rampant bien camouflé ".

Dans les années 1980, des magazines comme EBONY, TRIBUTE et ENTERPRISE ont célébré les "aspirations" d'une bourgeoisie noire dont les deux maisons de Soweto ont été incluses dans les visites pour les étrangers que  le régime visait à impressionner. "C'est notre classe moyenne noire," disaient les guides ; mais il n'y a pas de classe moyenne : simplement une classe tampon en cours de préparation, comme Fanon a écrit, pour "sa mission historique". C'est la même aujourd'hui.

Le régime Botha a même offert aux hommes d'affaires noirs de généreux prêts de la Société de développement industriel. Ceci leur a permis de créer des sociétés en dehors des "bantoustans". De cette façon, une société noire, tels que NEW AFRICA INVESTMENTS  a pu acheter une partie de METROPOLITAN LIFE. En une décennie, Cyril Ramaphosa a été vice-président de ce qui était en fait une création de l'apartheid. Il est aujourd'hui un des hommes les plus riches du monde.

La transition a été, en un sens, sans couture. "Vous pouvez mettre la dessus l’étiquette que vous plait," m’a dit le président Mandela à Groote Schur. "Vous pouvez appeler  ça thatchérisme, mais pour ce pays, la privatisation est la politique fondamentale."

"C'est le contraire de ce que vous avez dit avant les premières élections, en 1994," dis-je.

"Il y a un processus," fut sa réponse incertaine " et chaque processus intègre du changement."

Mandela reflétait simplement l’opinion de   l'ANC - qui ressemblait à un culte obsessionnel. Il y avait tous ces pèlerinages de l'ANC à la Banque mondiale et au FMI à Washington, toutes les "présentations" à Davos, toutes ces invitations au G-8, tous les conseillers et consultants étrangers qui vont et viennent, tous ces pseudo-rapports universitaires avec leur jargon "néolibéral" et leurs acronymes. Pour reprendre l’expression de  l'écrivain comique Larry David, "un flot de babillage  trompeur"  a englouti les premiers gouvernements de l'ANC, et en particulier ses ministères des finances.

En mettant de côté pour un moment l'enrichissement bine connu des notables de l'ANC et les profits des trafics  d'armes, l'analyste de l'Afrique Peter Robbins avait un point de vue intéressant sur ce sujet. "Je pense que la direction de l'ANC avait honte que la plupart des membres de leur peuple  vivent dans le tiers monde, écrit-il. "Ils n'aiment pas à penser à eux-mêmes comme étant essentiellement une économie de style africain. Ainsi l'apartheid économique a remplacé l'apartheid juridique avec les mêmes conséquences pour les mêmes personnes, mais il est accueilli comme l'une des plus grandes réussites de l'histoire du monde."

La Commission Vérité et Réconciliation de Desmond Tutu a masqué cette réalité, en un temps très court lorsque les sociétés par actions ont été appelées au confessionnal. Ces audiences des « institutions » ont été parmi les plus importantes, mais aucune ne fut condamnée. Représentant les membres les plus voraces, les plus impitoyables, les plus rentables et les plus meurtrières de l'industrie mondiale, la  Chambre de commerce des mines sud-africaines (South African Chamber of Mines) a résumé un siècle d'exploitation en six pages et demi dérisoires. Il n'y eut  pas d'excuses pour les territoires de l'Afrique du Sud transformés en l'équivalent de Tchernobyl. Il n'y eut aucune promesse de compensation pour les innombrables hommes et leurs familles touchées par les maladies professionnelles comme la silicose et le mésothéliome. Beaucoup ne pouvaient pas se payer une bouteille d'oxygène ; beaucoup de familles ne pouvaient pas payer un enterrement.

Dans un accent digne de l'époque du casque à pointe, Julien Ogilvie -Thompson, l'ancien président de la l’ANGLO AMERICAN a déclaré : "Bien sûr, personne ne veut pénaliser le succès." Ceux qui  l'écoutaient étaient d'anciens mineurs qui pouvaient à peine respirer.

Les gouvernements de la libération peuvent montrer des réalisations vraies et durables depuis 1994. Mais la plus élémentaire liberté, celle de survivre et de survivre décemment, n’a pas été accordée à la majorité des Sud-Africains, qui sont conscients que si  l'ANC avait investi en eux et dans leur "économie informelle", ils auraient pu effectivement transformer la vie de millions d’entre eux. La terre pourrait avoir été achetée et remise en état par des dépossédés pour une agriculture à petite échelle , exécutée dans l'esprit de collaboration de l'agriculture africaine. Des millions de logements auraient pu être construits, un meilleur système de santé et une meilleure éducation auraient été possibles. Un système de crédit à petite échelle aurait pu ouvrir la voie à des biens et services abordables pour la majorité. Rien de cela n'aurait nécessité l'importation d'équipements ou de matières premières, et l'investissement aurait créé des millions d'emplois. En devenant  plus prospères, les collectivités auraient développé leurs propres industries et une économie nationale indépendante.

Un rêve ? L'inégalité brutale qui aujourd’hui caractérise l'Afrique du Sud n'est pas un rêve. C'est Mandela, après tout, qui a dit, "si l’ANC ne fournit pas les biens, le peuple  doit faire ce qu'il a fait au régime de l'apartheid."

* Le mot ubuntu, issu de langues bantoues du sud de l’Afrique, désigne une notion proche des concepts d’humanité et de fraternité. En Afrique du Sud, ce terme a été employé, notamment par les prix Nobel de la paix Nelson Mandela et Desmond Tutu, pour dépeindre un idéal de société opposé à la ségrégation durant l’Apartheid, puis pour promouvoir la réconciliation nationale. Source wikipedia

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31 janvier 2018 3 31 /01 /janvier /2018 21:46

Bulletin n° 367- semaine 5- 2018

PENTAGON PAPERS

QUELQUES ECLAIRCISSEMENTS UTILES

Le film de Steven Spielberg a permis à de nombreux spectateurs de découvrir ou de revenir sur une période bien lointaine voire historique pour tous ceux qui n’étaient pas nés en 1971  lorsque a surgi en pleine guerre du Vietnam l’affaire des « Pentagon Papers", la fuite organisée d’un énorme dossier secret sur la guerre du Vietnam .

1 – sur les documents eux-mêmes

Ni le New York Times (NYT) ni quelques jours après lui le Washington Post (WAPO) n’ont publié les 47 volumes des Pentagon Papers (PP) pour deux raisons :

  • la première est qu’il n’entre pas dans les capacités d’un quotidien de publier 4000 pages d’un document, aussi sensationnel soit-il.
  • la seconde c’est que le lanceur d’alerte Daniel Ellsberg n’a pas communiqué tous les documents laissant de côté des parties encore très fraiches, celles concernant des tentatives de négociation de Johnson avec le Nord Vietnam.

Cependant les lecteurs curieux ont pu disposer dés Juillet 1971 de la version fournie par Daniel Ellsberg. Cette publication n’a pas posé de problèmes à son éditeur en raison de l’arrêt de la Cour Suprême.

D’autres versions ont suivi mais il a  fallu attendre 2011 pour que la déclassification complète du dossier soit décidée permettant ainsi aux archives nationales une publication complète qui permet de comparer le texte définitif à celui des versions précédemment publiées mises en ligne parallèlement. Ce remarquable travail d’archiviste mérite d’être salué mais ce genre de publication utile pour l’historien n’a pas vocation à être un grand succès de librairie.

2 – sur le film de Steven Spielberg

Il héroïse Katherine Graham la propriétaire du WAPO. Elle  va en effet finir par passer outre l’interdiction judiciaire qui  a contraint le NYT à interrompre la publication des PP. Le WAPO poursuit donc la publication (de quelques extraits importants comme le NYT pour les raisons indiquées plus haut)  et va faire basculer la Cour suprême dans une période où l’opposition populaire à la guerre est forte. Cette héroïsation est très opportune et le film prend bien sa place dans la campagne féministe en cours.

Le décès ces derniers jours du grand journaliste indépendant Robert Parry a donné l’occasion au réalisateur OLIVER STONE de souligner que le WAPO et sa propriétaire n’ont pas toujours par la suite été aussi engagés et courageux et il cite le cas de l’IRAN CONTRA GATE (Reagan vend en sous main des armes à l’ennemi iranien et l’argent ainsi obtenu sert à financer l’opposition terroriste - les Contras- au régime sandiniste légal au Nicaragua).

Dans ce cas le WAPO fait silence et OLIVER STONE note qu’au moment où elle aurait pu révéler des faits cachés et très graves dont elle avait connaissance, Katherine Graham avait passé le week-end avec HENRY KISSINGER, grand organisateur du coup tordu. Ceci renvoie dans le film à la scène où Katherine Graham en tête à tête avec Robert Mac Namara, secrétaire à la Défense de1961 à 1968 (présidences Kennedy et Johnson) dont elle est une familière  voire une amie lui reproche d’avoir fait préparer les PP et d’avoir laissé continuer une guerre qu’il considérait, documents à l’appui, comme ingagnable.

Ces  deux anecdotes démontrent  le lien étroit, un lien de classe extrêmement fort entre les patrons des grands journaux étasuniens et l’exécutif y compris dans son caractère de domination mâle.

Le film souligne également qu’à l’époque l’establishment étasunien et même ses couches les plus élevées détestent le républicain Richard Nixon qu’il considère comme un voyou : « Tricky Dick », « Dick le tricheur »  et que sa manœuvre crapuleuse contre le parti Démocrate va faire tomber. Comme il fallait s’y attendre le film s’achève sur l’annonce du Watergate.

« Nixon le tricheur » n’est pas tombé pour avoir désindexé le dollar de l’or, tricherie historique de portée mondiale, ni pour avoir enseveli le Cambodge sous les bombes sans l’accord du Congrés,  ni pour avoir organisé en sous main avec Kissinger le coup d’Etat contre Allende. Non, il est tombé à l’issue d’une querelle de clans au sein de la très grande bourgeoisie étasunienne. Sa chute nourrit certainement les rêves actuels du clan Obama - Clinton dans leur acharnement contre Trump.

3- Sur Spielberg

PP est un film bien construit avec ce qu’il faut de suspense et qui fait pénétrer dans le monde fermé de cette très grande bourgeoisie impérialiste : accueil du WAPO à la bourse de New-York, soirées mondaines, maisons luxueuses, serviteurs dévoués.

Il n’est pas inconvenant de souligner qu’à l’inverse d’Oliver Stone  Steven Spielberg est très proche de ce monde là et que sur des sujets autres que la guerre du Vietnam, guerre impopulaire qui a fait vaciller le pouvoir impérial , « blanchi » ensuite transitoirement par le pasteur Jimmy Carter, l’impérialisme a vite repris, ,  toutes  ses mauvaises manies guerrières avec Reagan, HW Bush … bien qu’il ait depuis choisi des adversaires beaucoup plus faibles, le réalisateur du film  PP est aussi un soutien sans faille du régime sioniste . Ainsi en  2006 il a fait un don personnel d’un million de dollars à Israël pour l’agression de Gaza et l’a fait savoir.

4- D’autres dénonciations de la politique impériale

Comme nous l’avons évoqué dans notre bulletin 360 (reproduit in fine) deux ans après l’épisode des PP  deux universitaires étasuniens Noam Chomsky et Edward S. Herman publient un livre intitulé « Counter-Revolutionary Violence: Bloodbaths in Fact and Propaganda » (Violence contre révolutionnaire : bains de sang dans les faits et dans la propagande)

Ils parlent bien sûr de la guerre du Vietnam et renvoient à plusieurs reprises aux PP dans la version publiée à l’époque mais ils montrent surtout que les Etats-Unis déploient en permanence depuis 1945 une intense activité contre-révolutionnaire cachée et s’attardent dans ce livre sur de nombreux cas : Indonésie, Cambodge, Thaïlande ...

 Nous sommes au début de 1974, Nixon ; encore au pouvoir, est informé de la sortie du livre et demande de supprimer certains passages. Le livre n’est donc  pas interdit mais son éditeur, un petit éditeur qui n’a pas l’entregent des gérants du WAPO et du NYT  prend  peur d’éventuelles  poursuites judiciaires et ne le publie pas.

Par chance pour les lecteurs français sa traduction est publiée dés 1974 accompagnée d’une longue introduction du philosophe Jean-Pierre Faye et pour nos lecteurs nous en livrons en annexe une copie intégrale.

Chomsky et Herman reprendront ce livre en 1979 et en feront la première partie d’un livre publié sous un titre moins explicite que dans la version de 1974.
« The Washington Connection and Third World Fascism (The Political Economy of Human Rights - Volume I) »
 La seconde partie intitulée   : « After the Cataclysm ,The Political Economy of Human Rights: Volume II » publiée par un petit éditeur sera mal reçue car expliquant  que l’apparition des khmers rouges et de leurs excés était la conséquence du ravage du pays par des années de bombardements massifs,  incessants du Cambodge par l’aviation US, elle va à l’encontre d’une lecture  de la dictature de Pol Pot encore en vigueur de nos jours qui efface tous les évènements l’ayant précédé. Faut-il rappeler que l’aviation US a déversé 550 000 tonnes de bombes sur le pays qu’elle a infesté la campagne de mines aidée en cela par le régime fantoche de Lon Nol  et que 50 ans après le déminage du pays est encore loin d’être achevé.
En 1979 sous Carter l’impérialisme étasunien est entré dans une nouvelle époque : plus d’engagements massifs de l’armée US,  plus de "body bags" enveloppés dans la bannière étoilée par milliers, nous voici revenus à la rubrique « COUPS D’ETAT, AS USUAL ». Elle n’est pas encore close !

La version française est publiée en 1981 par les éditions Jean Edern Hallier sous le titre  « Economie politique des droits de l’homme »

 

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18 janvier 2018 4 18 /01 /janvier /2018 16:55

Bulletin n° 365 - semaine 3 - 2018

L’idéologie impérialiste vue par un de ses penseurs

UNE ANTHOLOGIE DES COUPS D’ETAT

L’impérialisme  dispose pour renverser les gouvernements des pays  rebelles ou rétifs d’une série de techniques adaptées aux situations diverses des gouvernements visés.  Entre la guerre d’agression caractérisée (qui dans le respect de la charte devrait entrainer une réaction militaire de l’ONU) et l’assassinat du chef d’un état petit et concentrant tous les pouvoirs s’ouvre la catégorie  des coups d’ETAT. Elle est encore largement utilisée particulièrement dans ce qui reste l’arrière cour des Etats-Unis en Amérique Latine  même si Cuba, Venezuela et Bolivie  en tête, la résistance est possible. Ainsi ces dernières années au Paraguay, au Brésil et par deux fois au Honduras,  les Etats-Unis et la classe compradore locale ont réussi à chasser une équipe au pouvoir sans bain de sang : élections truquées, non respect des textes constitutionnels…..l’imagination impériale est féconde.

Ce véritable professionnalisme du coup d’Etat est le fruit d’une expérience accumulée depuis la fin de la fin de  la deuxième guerre mondiale. On connait les récits de coups d’Etat organisés par les Etats-Unis  mais on connait moins les écrits d’Edward Luttwak qui pragmatisme anglo-saxon oblige a écrit un « Manuel pratique du Coup d’Etat ». L’ouvrage publié en 1967 sera réédité dix ans plus tard et traduit en 18 langues. Luttwak observe qu’entre 1945 et 1967 une soixantaine de coups d’Etat se sont produits dans le monde soit une moyenne de 3 par an et il en dresse un  tableau qui fait ressortir que la très grande majorité d’entre eux a eu lieu dans les pays de ce que l’on désigne à cette époque là comme le tiers-monde.

Il tire de ce recensement un enseignement pratique développé dans le long avant-propos qui suit. Mais ayant choisi la posture du technicien politiquement neutre il se garde bien de situer cette activité dans le monde réel des rapports de puissance de l’époque et surtout d’y souligner le rôle central des Etats-Unis. Eclairage : depuis 1945  et même avant qu’elle ne soit achevée, les Etats-Unis savent que les deux puissances coloniales : Grande Bretagne et France sont très affaiblies et vont avoir de la peine à maintenir leur empire et sous une forme différente, la forme néocoloniale, les Etats-Unis vont prendre leur place. Ils font d’ailleurs acter le début de ce déclin en signant avec la Grande-Bretagne le 14 Aout 1941  la Charte de l’Atlantique. (cf. texte en annexe).

La France n’est pas présente à la réunion du 14 Aout 1941 et Churchill juge opportun d’accepter le principe de libre choix par les peuples de leur propre de gouvernement (c’est-à-dire l’autodétermination mais le mot n’est pas prononcé) car dans l’empire britannique l’anticolonialisme prend  alors, ici et là, la forme de mouvements de soutien au Reich ou au moins de sympathies pour l’Allemagne hitlérienne. Il convient donc de prendre les devants.  De la même façon le gouverneur français de l’Indochine laisse l’armée d’invasion japonaise exercer toute sa brutalité sur la population. Churchill déclarera plus tard qu’il n’a d’ailleurs pas signé ce document qui n’est pas un traité international et que Roosevelt a fait les deux signatures. Qui qu’il en soit  les Etats-Unis renforceront leur présence et leur ingérence partout dans les anciens empires (Moyen Orient, Thaïlande, Afrique de l’Est et du Sud) et s’autoriseront même à  obliger la France et la Grande Bretagne à  interrompre l’opération militaire néocoloniale de Suez (1956)

Malgré tout, la décolonisation va bien avoir lieu dans un vaste mouvement touchant l’Asie et l’Afrique qui pour l’essentiel est achevé en 1962 (Algérie) la décolonisation portugaise arrivant tardivement avec la révolution des œillets (1974). L’analyse de Luttwak se concentre sur cette période.

Il démontre la fragilité des nouveaux gouvernements des ex-colonies. Dans la même période Frantz Fanon acteur éminent et conscient de la décolonisation  observe la faiblesse politique des néo bourgeoisies coloniales qui en dehors des cas de guerres de libération nationale forment des gouvernements formellement indépendants mais qui ne font que  prendre la place  les gouverneurs étrangers et que l’impérialisme remplace, quand il le juge nécessaire, par des coups d’Etat. Quand ce mécanisme de simple remplacement des dirigeants ne fonctionne pas et qu’une véritable indépendance menace il faut tuer les leaders. Patrice Lumumba, Sylvanus Olympio, Amilcar Cabral,  Mehdi Ben Barka sont assassinés.

***

Extrait de la seconde édition de la version française publiée en 1979 et aujourd’hui introuvable  qui à la lecture s’avère être le guide de toutes les opérations de « REGIME CHANGE » si largement pratiquées par les Etats-Unis, la France coloniale n’étant pas en reste mais n’intervenant que dans son champ clos africain. Le titre « COUPS D’ETAT » qui est celui de la version anglaise donne un vernis cultivé à l’ouvrage.

***

COUPS D’ETAT

Avant-propos

Depuis que ce livre a été publié pour la première fois, on m'a souvent dit que l'on s'en était servi pour préparer tel ou tel coup d'Etat. En réalité, on ne dispose de preuves solides que dans un seul cas - et encore est-ce une bien mauvaise publicité: si le coup d'Etat en question fut au début une réussite, il échoua finalement dans un bain de sang. Son protagoniste en chef, un ministre de la Défense qui avait d'ailleurs de plus grandes ambitions, fut arrêté et exécuté sur-le-champ. Quand on fouilla son domicile, on découvrit dans son bureau un exemplaire largement annoté de l'édition française de Coup d'Etat.

 (Note Comaguer : par contre Luttwak fait comme si son livre n’avait été lu ni par la CIA ni par le Département d’Etat, ni étudié dans de nombreuses écoles de guerre, puisqu’il s’efforce de passer pour un scientifique, docteur en ingénierie du coup d’état)

Je pourrais me retrancher derrière l'excuse que l'on n'avait pas suivi attentivement mes recommandations, mais en réalité je n'ai jamais eu l'intention de rédiger un guide pratique qui donnât de sérieuses, indications sur la manière de réaliser son propre coup d'Etat. Je poursuivais un tout autre but: étudier la signification de la vie politique dans ces pays «arriérés» que l'on appelle officiellement aujourd'hui « sous-développés »,

Au moment où je concevais ce livre, les milieux intellectuels occidentaux manifestaient un intérêt passionné pour le Tiers-Monde. L'atmosphère était très optimiste et l'on pariait beaucoup sur l'avenir des Etats d'Afrique et d'Asie qui émergeaient alors pour la première fois sur la scène internationale. Même l'Amérique latine bénéficiait d'un regain d'intérêt et l'on fondait sur elle de nouveaux espoirs, stimulés par la convention Kennedy «Alliance for Progress » qui, comme tous les projets de Kennedy, jouissait d'une grande publicité.

L’Afrique noire suscita indubitablement le plus grand intérêt, sur un plan souvent remarquablement émotionnel. Face aux Empires britannique et français, dont la dissolution n'était pas encore terminée, les pays d'Afrique comptaient parmi les plus récents. L'exotisme des paysages n'avait pas complètement masqué leur extrême pauvreté, mais l'absence presque totale d'une couche sociale ayant reçu une éducation apparut brutalement. Seuls quelques extrémistes de droite et le petit groupe des «Old African Hands » objectèrent que l'indépendance avait été acquise trop tôt. On relégua très vite cette petite minorité au rang des réactionnaires et des racistes. Un esprit éclairé aurait vu plus loin: ces nouveaux Etats disposaient de forces vives, celles des peuples fraîchement libérés de la léthargie du joug colonial; leurs jeunes seraient bientôt formés et donneraient des techniciens, des professions libérales et des fonctionnaires; avec l'aide de l'Occident, on pouvait s'attendre à une forte croissance économique qui comblerait sous peu le retard accumulé et la pauvreté générée par un système d'exploitation colonialiste. Mieux encore, on nous demanda de chercher une moralité à la conduite de ces nouveaux États. Les jeunes leaders épris d'idéaux qui avaient combattu pour l'indépendance deviendraient une grande force spirituelle sur la scène internationale.

Ces discours, je les entendais alors que j'étais encore à la London School of Economies. On les prononçait comme des évidences, sans qu'ils aient besoin d'être exacts. Je n'avais pas envie de rejoindre le petit groupe des gens de droite qui seuls s'opposaient à la dégénérescence de l'Empire britannique. Mais je trouvais l'opinion générale terriblement déconnectée de la réalité. Nos plus brillants esprits semblaient avoir perdu tout esprit critique dès que l'on abordait le sujet du Tiers-Monde. Ce n'est pas le lieu de me livrer à des conjectures sur les obscures raisons émotionnelles qui pourraient à elles seules expliquer une telle défaillance intellectuelle, mais une chose est certaine: on a laissé se répandre une vision trop favorable quant à l'avenir des pays du Tiers-Monde, alors même que les faits contredisaient de façon catégorique les notions sur lesquelles reposaient les prévisions.    

(Note comaguer : Luttwak fait comme si les nouveaux pays décolonisés avaient échappé ipso facto à la domination coloniale)

Ce n'est pas la pauvreté de ces Etats qui m'a rendu sceptique sur leur avenir et tout à fait pessimiste quant à leur participation à la vie internationale. La pauvreté n'interdit pas nécessairement de réussir sur le plan culturel, voire social. De toute façon, certains pays - d'ailleurs parmi les moins prometteurs - retiraient déjà d'importants revenus de leurs exportations pétrolières. Tout comme une structure administrative inappropriée, la pauvreté n'était pas une déficience fatale; peu de choses se développent aussi facilement que la bureaucratie. Même les conséquences néfastes qui résultaient des relatives privations vécues par des populations pauvres, que les médias confrontaient à la richesse, ne me paraissaient pas si graves. Il semble que ce soit davantage la « révolution d'une croissance attendue» - un de ces concepts inventés par les intellectuels occidentaux pour justifier les exactions à venir - qui ne se soit pas réalisée.

(Note Comaguer : et il y ajoute dans tout ce qui suit  le mépris du dominant pour le dominé qui constitue le substrat de sa pensée)

Ces Etats avaient pourtant une déficience qui était, et demeure, fatale, une déficience qui devait inévitablement les conduire à mal gouverner leur pays et à dégrader les normes internationales: il leur manquait une véritable communauté politique. Cela, ils ne pouvaient ni le fabriquer ni l'importer. Il est difficile d'en donner une définition formelle et le mieux est peut-être de, commencer par comparer le concept de Nation à celui d'Etat.

Ces nouveaux Etats se sont constitués lorsque les autorités coloniales ont transmis leurs pouvoirs aux chefs des partis politiques qui luttaient pour l'indépendance. Plus précisément, on leur a donné le contrôle de l'armée, de la police, et de toutes les administrations qui étaient auparavant sous la tutelle coloniale. Les vieux serviteurs de l'Empire se sont alors mis au service de leurs nouveaux maîtres, officiellement pour atteindre de nouveaux objectifs. Mais leurs méthodes et leur idéologie restaient celles de l'ancien pouvoir, le pouvoir colonial; elles étaient faites au moule de notions qui reflétaient les valeurs de cette communauté politique-là. TI n'existait aucun lien organique entre les cultures du pays et les instruments du pouvoir étatique, et il ne pourrait sans doute jamais y en avoir. D'abord, parce que coexistaient plusieurs cultures, assez différentes les unes des autres et souvent incompatibles. Ensuite, parce que les idéologies et les méthodes que ces cultures pouvaient réellement supporter étaient souvent totalement inadaptées aux besoins de la vie moderne telle que la conçoivent les Occidentaux. Le risque n'était pas que ce hiatus affaiblisse l'appareil étatique, mais au contraire qu'il lui laisse trop de liberté et de puissance.

On connaît le résultat. Ces gouvernements ont pleins pouvoirs sur les individus et les exercent grâce à l'énorme machine administrative, les transports, les télécommunications et les armes modernes. Ils ne se soumettent à aucune des lois et des principes moraux que toute communauté politique a le devoir de faire respecter, même en demandant aux violateurs d'être hypocrites. Ils ne subissent pas non plus de pressions politiques, puisque les opprimés n'ont pas les possibilités électorales des démocraties occidentales et qu'il n'existe aucune structure au sein de laquelle des actions politiques pourraient s'organiser. D'où l'idée générale qu'à l'absence de gouvernement au temps des colonies a succédé, dans tous ces nouveaux Etats, un mauvais gouvernement. Il n'est pas une transaction entre le citoyen et l'Etat qui ne fasse appel à la corruption; une oppression subtile et persuasive a supplanté l'autoritarisme distant du colonialisme, puisque ni les bureaucrates ni les policiers ne sont contraints par la légalité - ou, à tout le moins, les procédures du légalisme -, à laquelle, en revanche, le pouvoir colonial se soumettait. Par conséquent, les exactions n'ont plus de limites et aucun citoyen ne peut s'en remettre à la loi pour assurer sa liberté, sa vie ou ses biens: celle-ci n'offre aucune protection contre ses propres gardiens.

Si le colonialisme était un crime, sa ruine fut une plus grande blessure encore lorsque des cultures fragiles, des sociétés modernes embryonnaires et des minorités sans défenses ont été livrées aux mains de dirigeants politiques s'appuyant sur la puissante machine de l'Etat moderne. Les atrocités d’Idi Amin ont été suffisamment spectaculaires pour attirer durablement l'attention des médias occidentaux. Mais sa réaction paraît légitime lorsqu'il se plaint de l'injustice dont il est victime. En effet, de l'Algérie au Zanzibar, tous les peuples d' Afrique sont dirigés par des autocrates qui se permettent, parce qu'ils contrôlent sans entraves l'appareil étatique, de s'adonner à tous les vices, à tous les excès de pouvoir: quand l'un est alcoolique, l'autre interdit formellement toutes boissons alcoolisées sur son territoire parce qu'il les juge contraires à la religion; quand l'un réclame ouvertement, pour satisfaire ses caprices, telle femme, tel homme, l'autre .sanctionne l'adultère par la mort ; quand l'un permet l'importation du plus futile des produits de luxe alors que le pays ne dispose pas suffisamment de devises pour acheter les médicaments de première nécessité, l'autre interdit l'importation du moindre livre alors que les devises engorgent inutilement des comptes bancaires à l'étranger. Surtout, les armes - défensives et offensives - sont utilisées systématiquement pour oppresser les populations et s'approprier, sur une échelle extravagante, la richesse publique. Quand le vice-président américain a été obligé de démissionner parce qu'il avait accepté des pots-de-vin, ou ce qui avait été assimilé à des pots-de-vin, les sommes en jeu avaient de quoi surprendre: pour si peu, dans un pays du Tiers-Monde, même un jeune ministre ne serait pas poursuivi.

(Note Comaguer : et bien entendu tout est de la faute des  nouveaux dirigeants)

Le système grâce auquel les pouvoirs publics génèrent un enrichissement personnel est universel et l'enrichissement des puissants est un phénomène éloquent que l'on retrouve partout dans le monde. Mais il existe une différence dans le fonctionnement de cette logique au sein des nouveaux Etats et elle ne tient pas seulement à une question d'échelle. Ce n'est pas un phénomène ancillaire, cela tient plutôt à la

Si le colonialisme était un crime, sa ruine fut une plus grande blessure encore lorsque des cultures fragiles, des sociétés modernes embryonnaires et des minorités sans défenses ont été livrées aux mains de dirigeants politiques s'appuyant sur la puissante machine de l'Etat moderne. Les atrocités d’Idi Amin ont été suffisamment spectaculaires pour attirer durablement l'attention des médias occidentaux. Mais sa réaction paraît légitime lorsqu'il se plaint de l'injustice dont il est victime. En effet, de l'Algérie au Zanzibar, tous les peuples d'Afrique sont dirigés par des autocrates qui se permettent, parce qu'ils contrôlent sans entraves l'appareil étatique, de s'adonner à tous les vices, à tous les excès de pouvoir: quand l'un est alcoolique, l'autre interdit formellement toutes boissons alcoolisées sur son territoire parce qu'il les juge contraires à la religion; quand l'un réclame ouvertement, pour satisfaire ses caprices, telle femme, tel homme, l'autre sanctionne l'adultère par la mort; quand l'un permet l'importation du plus futile des produits de luxe alors que le pays ne dispose pas suffisamment de devises pour acheter les médicaments de première nécessité, l'autre interdit l'importation du moindre livre alors que les devises engorgent inutilement des comptes bancaires à l'étranger. Surtout, les armes - défensives et offensives - sont utilisées systématiquement pour oppresser les populations et s'approprier, sur une échelle extravagante, la richesse publique. Quand le vice-président américain a été obligé de démissionner parce qu'il avait accepté des pots-de-vin, ou ce qui avait été assimilé à des pots-de-vin, les sommes en jeu avaient de quoi surprendre: pour si peu, dans un pays du Tiers-Monde, même un jeune ministre ne serait pas poursuivi.

Le système grâce auquel les pouvoirs publics génèrent un enrichissement personnel est universel et l'enrichissement des puissants est un phénomène éloquent que l'on retrouve partout dans le monde. Mais il existe une différence dans le fonctionnement de cette logique au sein des nouveaux Etats et elle ne tient pas seulement à une question d'échelle. Ce n'est pas un phénomène ancillaire, cela tient plutôt à la façon de gouverner des dirigeants, qui n'est tempérée par aucune discrétion. Dans ces pays, la corruption à visage découvert révèle bien toutes les conséquences d'une absence de communauté politique. Ce n'est qu'avec cette dernière que des normes efficaces peuvent émerger, des normes que chaque citoyen, en son âme et conscience, ressent. Sans communauté politique, pas de normes efficaces; et sans ces normes, qui émanent naturellement des valeurs et des croyances de la communauté, l'Etat n'est rien d'autre qu'une machine. C'est alors que le coup d'Etat devient possible, dans la mesure où il suffit, comme avec n'importe quelle machine, de se saisir des leviers clés pour en prendre le contrôle. En écrivant sur le coup d'Etat, j'écrivais donc sur le vrai visage de la vie politique de ces nouveaux Etats.

***

La première traduction française avait été publiée en 1969. Luttwak ne pouvait donc manquer d’évoquer les événements de Mai 68. Ce qui souligne que, tant à l’ambassade des Etats-Unis à Paris qu’à Washington, la situation française a été suivie avec attention mais probablement sans inquiétude. Il le fait en effet d’une façon lapidaire propre à doucher d’une eau glacée les rêves de ceux qui croyaient au grand chambardement.

AVANT-PROPOS

Comme viennent encore de le démontrer les événements de mai 1968, l'insurrection, qui fut longtemps le moyen classique par lequel on faisait la révolution, est aujourd'hui devenue un procédé désuet. Le dispositif de sûreté intérieure et extérieure de l'Etat moderne, comportant un personnel spécialisé, des moyens de transport et de communication variés, des sources d'informations étendues, ne saurait être mis en échec par l'agitation de masses civiles, si intense et prolongée soit-elle. Toute tentative de la population civile, ayant pour objet de faire usage de la violence par des moyens improvisés, sera toujours neutralisée par l'efficacité des armes automatiques modernes.

D'autre part, une grève générale peut, certes, paralyser provisoirement un système de gouvernement, mais elle ne saurait le démolir d'une manière définitive ; en effet dans toute organisation économique moderne d'Etat, la population civile manquera de vivres et de combustibles bien avant les militaires, la police et les services qui leur sont alliés.

C'est pourquoi l'Etat moderne est pratiquement invulnérable ù toute attaque directe, mais il reste exposé ù deux menaces: la guérilla et le coup d'Etat. La guérilla tend à effectuer une lente érosion de l'infrastructure humaine et physique de l'Etat: c'est un long et sanglant processus. Le coup d'Etat, par contre, s'appuie essentiellement dans ses opérations sur les éléments mêmes de la structure de l'Etat que les protagonistes de la guérilla cherchent à détruire : les forces armées, la police et les services de sécurité.

La technique du coup d'Etat est celle du judo : les protagonistes doivent utiliser la puissance de l'Etat contre ses dirigeants politiques. Ils y parviennent par un processus d'infiltration et de subversion, grâce auquel on obtient le concours absolu d'une partie, numériquement faible mais tactiquement indispensable, des forces de sécurité, tandis qu'on se borne à neutraliser pour une période limitée la plupart des autres éléments. (2)

Cet ouvrage a pour objet d'exposer les techniques nécessaires pour mener à bien un coup d'Etat, dans les trois domaines militaire, politique et policier (renseignements), depuis la première phase de l'infiltration jusqu'à l'ultime étape, au cours de laquelle, les objectifs capturés, la stabilisation commence, le coup d'Etat ayant réussi.

Cette étude ne comporte aucune orientation ni idéologie politique, attendu qu'elle constitue un manuel pratique, relatif à la prise du pouvoir et non pas à la manière d'utiliser celui-ci lorsqu'on l'a conquis. (1)

Notes Comaguer :

1 -sur cette dernière phrase : une manifestation soit de malhonnêteté intellectuelle vu l’imbrication qui dure encore de Luttwak dans le système de domination idéologique étasunien soit d’aliénation idéologique : le complexe impérialiste de supériorité)

2- la crise de Mai 68 s’achève quand De Gaulle part le 29 Mai à Baden-Baden rencontrer Massu : il y a encore de l’essence pour mettre dans les réservoirs des blindés français stationnés en Allemagne et dans ceux des véhicules de la gendarmerie en France. Une grève générale n’est pas un coup d’Etat !

A l’inverse, quand en Mai 1981 Mitterrand annonce qu’il va prendre 4 ministres communistes dans son gouvernement, il ravive des craintes remontant à 1945. Washington manifeste alors officiellement une vive inquiétude. Mitterrand rassure : aucun ministère régalien (Intérieur, défense, affaires étrangères) n’est concerné, pas plus qu’en 1945 !

***

En Avril 2016 Edward Luttwak a publié, chez HARVARD UNIVERSITY PRESS, le gratin de l’édition US, une nouvelle mise à jour tenant compte des nouvelles technologies disponibles pour les coups d’état (réseaux sociaux et autres).

***

Annexe

La Charte de l'Atlantique

Signature le 14 août 1941

Grande-Bretagne et États-Unis

Représentés par le Premier ministre du Royaume-Uni, Churchill, et le président des États-Unis, Roosevelt.

La Charte de l'Atlantique est signée en mer, au large de Terre-Neuve, et dénonce la « tyrannie nazie » alors que les États-Unis ne sont pas encore entrés dans la guerre. Elle sera prolongée, après Pearl Harbour, par la déclaration des Nations unies du 1er janvier 1942, puis la charte des Nations unies du 26 juin 1945.


Le président des États-Unis d'Amérique et M. Churchill, Premier ministre, représentant le gouvernement de Sa Majesté dans le Royaume-Uni, s'étant réunis en mer, jugent bon de faire connaître certains principes sur lesquels ils fondent leurs espoirs en un avenir meilleur pour le monde et qui sont communs à la politique nationale de leurs pays respectifs.

1. Leurs pays ne cherchent aucun agrandissement territorial ou autre.

2. Ils ne désirent voir aucune modification territoriale qui ne soit en accord avec les vœux librement exprimés des peuples intéressés.

3. Ils respectent le droit qu'a chaque peuple de choisir la forme de gouvernement sous laquelle il doit vivre ; ils désirent que soient rendus les droits souverains et le libre exercice du gouvernement à ceux qui en ont été privés par la force.

4. Ils s'efforcent, tout en tenant compte des obligations qu'ils ont déjà assumées, d'ouvrir également à tous les États, grands ou petits, vainqueurs ou vaincus, l'accès aux matières premières du monde et aux transactions commerciales qui sont nécessaires à leur prospérité économique.

5. Ils désirent réaliser entre toutes les Nations la collaboration la plus complète, dans le domaine de l'économie, afin de garantir à toutes l'amélioration de la condition ouvrière, le progrès économique et la sécurité sociale.

6. Après la destruction finale de la tyrannie nazie, ils espèrent voir s'établir une paix qui permettra à toutes les nations de demeurer en sécurité à l'intérieur de leurs propres frontières et garantira à tous les hommes de tous les pays une existence affranchie de la crainte et du besoin.

7. Une telle paix permettra à tous les hommes de naviguer sans entraves sur les mers.

8. Ils ont la conviction que toutes les nations du monde, tant pour des raisons d'ordre pratique que d'ordre spirituel, devront renoncer finalement à l'usage de la force. Et du moment qu'il est impossible de sauvegarder la paix future tant que certaines nations qui la menacent - ou pourraient la menacer - possèdent des armes sur mer, sur terre et dans les airs, ils considèrent que, en attendant de pouvoir établir un système étendu et permanent de sécurité générale, le désarmement de ces nations s'impose. De même, ils aideront et encourageront toutes les autres mesures pratiques susceptibles d'alléger le fardeau écrasant des armements qui accable les peuples pacifiques.

 

 

 

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27 décembre 2017 3 27 /12 /décembre /2017 15:52

Gaz en méditerranée orientale

Pendant que les médias et les gouvernements se gargarisent de transition énergétique  de COP n+1 n+2 ….de sourdes batailles stratégiques se livrent dans le champ des énergies non renouvelables. L’immense potentiel des fonds sous-marins de la Méditerranée Orientale pour l’extraction de gaz naturel était connu depuis plusieurs années, mais l’annonce de la mise en exploitation du gisement égyptien de Zhorg  vient d’en apporter une éclatante confirmation.

 Découvert il y a seulement deux ans le gisement de Zohr est exploité par l’ENI et le russe NOVATEK. Avec des réserves estimées 30 000 milliards de m3 Zohr serait un gisement géant. L’Egypte qui grâce à l’exploitation de petits gisements au large du delta du Nil était devenue au début des années 2000 exportateur de GNL était très vite redevenue importatrice.

Cette situation avait souri à Israël qui en mettant en exploitation en 2013 le gisement  sous-marin de TAMAR vendait du gaz à l’Egypte après lui en avoir acheté. Il avait pour faire fait fonctionner en sens inverse  - technique parfaitement maitrisée par les professionnels du secteur - un gazoduc existant. Les réserves de TAMAR sont 10 à 15 fois plus petites que celles de Zohr. Israël a prévu que son second gisement dans la zone Léviathan viendrait le moment venu prendre la relève de TAMAR  

Avec Zohr l’Egypte va pouvoir satisfaire ses besoins nationaux pour une très longue période. Par ailleurs l’ENI ayant cédé au printemps 2017 des parts du gisement au russe Rosneft celui-ci se trouve dés à présent en position d’exportateur en Méditerranée. Israël doit donc tout faire pour trouver des débouchés et s’y emploie. L’objectif est le principal marché consommateur : l’Europe occidentale. Pour l’atteindre une action politique concertée est menée par Israël, Chypre, la Grèce et  l’Union Européenne visant à la construction d’un gazoduc sous-marin partant de TAMAR passant par les eaux territoriales chypriote, grecque et/ou albanaise, italienne pour aboutir au sud de l’UE. Cette action était déjà en cours sous Hollande via son ministre de l’économie – un certain Emmanuel Macron. (voir notre bulletin n°…) et se poursuit dans le cadre de la stratégie énergétique antirusse de Bruxelles.

Un nouveau venu va encore transformer la situation : Le Liban. En effet l’évolution de la situation régionale et l’échec de la guerre occidentalo-terroriste en Syrie a conduit le Liban à s’affirmer face à son envahissant voisin : Israël et un des gestes forts de cette affirmation de souveraineté est l’attribution de permis de recherche dans le même large  bassin sous- marin qui comprend Zohr, Tamar et Léviathan. Parmi les attributaires de ces permis de recherche le français TOTAL qui prend en toute connaissance de cause le risque de forer dans une zone sous-marine contestée par le Liban et Israël ( bloc 9 - voir carte)  les spécialistes de droit international vont se trouver face à un très joli cas d’école : arbitrer entre un Etat qui n’’adhère pas à la Convention internationale du droit de la mer, qui ne définit pas ses propres frontières : Israël et un autre le Liban en règle avec le droit international.

Nul doute que ceux  qui s’entêtent à prolonger la guerre en Syrie : Israël, Arabie et Etats-Unis en tête cauchemardent quand ils pensent aux futurs très possibles gisements de gaz naturel sous-marins dans les eaux syriennes venant s’ajouter aux gisements terrestres exploités dans l’extrême nord-est du pays précisément  là où les ennemis de la Syrie continuent en ce moment même la guerre.

 

 

ZEE en méditerranée orientale

ZEE en méditerranée orientale

ZEE Liban

ZEE Liban

Zohr

Zohr

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22 décembre 2017 5 22 /12 /décembre /2017 15:20
QUATRIEME DE COUVERTURE
QUATRIEME DE COUVERTURE

QUATRIEME DE COUVERTURE

COMMENT S’ELABORE LA POLITIQUE ETRANGERE DES ETATS-UNIS

UN CAS D’ECOLE

L’AFRIQUE AUSTRALE A LA FIN DES ANNEES 60

***

Peu après l’élection de Richard Nixon, le CONSEIL  DE SECURITE NATIONAL (NSC) est chargé de proposer une politique étrangère pour cette région du monde. A la suite des travaux de cette instance, Henri Kissinger rédige le mémorandum n° 39 de la sécurité nationale sur l’Afrique Australe. Pour les Etats-Unis de plus en plus lourdement engagés dans la guerre du Vietnam cette partie de l’Afrique n’est pas le siège d’une crise politique grave, inquiétante pour Washington, mais elle doit rester sous contrôle.

En effet les mouvements de décolonisation qui s’y sont installés n’ont pas encore beaucoup d’ampleur. L’assassinat de Lumumba par la CIA et l’installation à la tête du Congo de Mobutu ont permis d’éviter le plus gros risque de déstabilisation régionale, sous la conduite de Félix Houphouët-Boigny l’Afrique francophone, la main dans la main avec la France gaulliste ne soutient pas les mouvements de lutte armée contre le colonialisme, dans la région même l’indépendance n’a été accordée qu’à des gouvernements noirs modérés (Zambie ex Rhodésie du Nord en 1964) , Malawi (ex Nyassaland en 1964) Tanzanie (ex Tanganyika en 1961)  qui n’ont pas porté atteinte aux intérêts capitalistes occidentaux ou à des quasi- colonies de l’Afrique du Sud (Botswana, Lesotho et Swaziland) ; Quant aux  deux  régimes blancs  d’apartheid (Afrique du Sud et Rhodésie) ils sont très déterminés et actifs dans l’action contre révolutionnaire chez eux et dans leur environnement immédiat. 

Pour autant la vigilance s’impose pour prévenir l’influence russe ou chinoise dans cette fraction de l’Afrique  très importante pour ses ressources en  or , platine, cuivre, zinc charbon  et dont l’importance s’est accrue du fait de la fermeture en 1967 du canal de Suez qui oblige les approvisionnements pétroliers des alliés européens à utiliser la route du Cap.

Le document classé confidentiel est ensuite déclassifié et publié en Angleterre en 1975.  Sa traduction française publiée en 1977, est assortie d’une ample présentation par deux journalistes spécialistes de l’Afrique et complétée par un chapitre très détaillé sur « La France et les armes de l’apartheid »  qui montre le soutien sans faille de Paris sous Pompidou et Giscard au pouvoir raciste blanc, est. L’actualité française plus récente montre que la bourgeoisie française reste une bourgeoisie colonialiste, à ne pas confondre avec la bourgeoisie étasunienne qui est elle impérialiste à visée globale.

Comme on le voit dans les pages qui suivent Kissinger ne propose pas une seule stratégie mais le choix entre plusieurs options. En effet il n’est pas dans la vocation de la NSC de  choisir une politique mais de conseiller le pouvoir. Celui-ci choisira l’option 2 : soutenir les gouvernements blancs mais manifester du respect pour les gouvernements noirs tout autant qu’ils ne sortent pas du marché capitaliste occidental et laissent l’exploitation des mines aux mains de leurs propriétaires et la mettra en pratique. On voit donc bien l’articulation entre le Long terme : le mémorandum où sont affichés les objectifs de la classe au pouvoir, le moyen terme : les décisions du pentagone et du département d’état  et le court terme : moyens militaires et financiers. Dans les oligarchies à visage démocratique comme les nôtres  l’opinion publique ou les représentants élus du peuple n’interviennent que dans les ultimes étapes du processus et ne peuvent au mieux que corriger légèrement une trajectoire fixée de longue date.

Mais l’Histoire ne s’écrira pas comme prévu par le mémorandum. En Avril 1974 la révolution des œillets au  Portugal va déboucher sur  la création de deux républiques africaines : le Mozambique et l’Angola qui vont permettre malgré la résistance des pouvoirs blancs et grâce à l’intervention militaire de Cuba (bataille de Cuito Canavale 1988)  le basculement politique de l’Afrique australe, l’achèvement de la décolonisation et la fin de l’apartheid.

Un des points d’aboutissement de cette réflexion sur l’Afrique australe est que le panafricanisme est un idéalisme, une idéologie aliénante qui  fait obstacle à l’analyse concrète des réalités africaines concrètes très diverses et donc aux luttes émancipatrices.

 

 

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20 décembre 2017 3 20 /12 /décembre /2017 10:51

L’impromptu de Ouagadougou

Ou « « "Citizen Jupiter !"

 

Après l’AG étudiante européiste de la Sorbonne, le nouveau Cohn-Bendit, adulé par l’ancien, nous a livré sa nouvelle production théâtrale dans la capitale du Burkina Faso.

Devant 800 étudiants qui ne pouvaient pas ne pas avoir été très soigneusement sélectionnés par la Présidence burkinabé, sans préjudice d’une éventuelle relecture de la liste des invités par l’ambassade de France – les mauvaises habitudes se perdent-elles si aisément ? – il a tenu une nouvelle AG.

Dans cette prestation le « «"Wonder Pres" » a, sur un ton badin, décontracté, annoncé que la "« FRANCAFRIQUE C’ETAIT FINI" ».

Plus aucune troupe française en Afrique ? Plus d’accords de défense secrets ? Plus de réserve de francs CFA en dépôt à Bercy ?  Plus d’impression des francs CFA à Chamalières ?  Plus d’administrateurs français dans les deux banques centrales d’Afrique francophone ?

Voire !  L’auteur – lui -  a poli son texte, l’a nourri de phrases simples , fausses mais reproductibles à l’envi, (la clarté de l’expression masque l’absence totale de pureté des intentions)  le metteur en scène – encore lui – a choisi les tréteaux d’un petit théâtre de province qui offrait un spectacle gratuit aux meilleurs élèves du canton où , bien sur, les conditions techniques n’étaient pas celles de la Comédie Française  (où une place lui est d’ailleurs réservée en 2022, mieux que le Conseil Constitutionnel et ses veux barbons ), le comédien – toujours lui -  a gentiment taquiné le directeur « «" il y a des pannes de courant, la clim est en mauvais état" ». Qu’importe ! Et puis notre homme protée montre qu’il sait se mêler, sans protocole, au peuple des petits notables de ses provinces.

 Le directeur d’ailleurs ne lui en a pas voulu, le sourire était à l’affiche. Qu’il est loin le temps de Sékou Touré !

Peut-être  en effet a- t-il mesuré l’honneur de  cette visite sans condescendance ni affectation   et au fond a-t-il été flatté car ce que lui a annoncé le Pygmalion élyséen, descendu, la blague aux lèvres, de son olympe  de faubourg (Saint Honoré !) où vit sa muse, c’est qu’il n’était plus, comme il y a peu, un serviteur, un valet, un domestique mais désormais le directeur de la  filiale FASO-SA à qui le patron de la Holding  FRENCH GROUP-AG (titre plus lisible pour la cotation à Francfort)   venait, grand bond en avant dans la post-modernité gestionnaire, de confirmer son recrutement.

Il va donc faire connaissance avec les coulisses de ce nouveau spectacle : les contraintes du management par objectifs, les angoisses de l’entretien annuel d’évaluation, l’incertitude de la prime au mérite,  l’impitoyable  froideur  des contrôleurs de gestion.

Pareilles rigueurs ne sont pas faites, on l’aura compris, pour favoriser l’émergence de nouveaux Sankaras.

A moins que …

 

 

 

 

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