Très modeste appendice au nouveau livre d’Annie Lacroix-Riz
« Le Vatican, l’Europe et le Reich »
Un exfiltré français par les voies vaticanes
Le dernier ouvrage d’Annie Lacroix-Riz est monumental puisqu’il couvre et fait découvrir un demi-siècle de diplomatie vaticane : de 1914 à 1955.
De ce fait l’épisode le plus connu du soutien du Vatican au III° Reich : celui de l’exfiltration des dignitaires nazis après la défaite s’inscrit dans un ensemble où les sympathies du Vatican pour le III° Reich s’inscrivent dans une politique constante de soutien aux empires centraux (Prusse et Autriche-Hongrie) confortée par une haine féroce de l’URSS et par une méfiance certaine envers la France « maçonnique ». Entre les monarchies réactionnaires et les républiques nées d’une révolution le cœur du Vatican penche toujours du côté des premières
L’exfiltration des dignitaires nazis , militaires , civils, ecclésiastiques , scientifiques confondus, ainsi que leurs alliés italiens, belges, croates, roumains, hongrois etc. …a utilisé toutes « les voies impénétrables » de l’Eglise catholique pour leur permettre d’échapper aux poursuites et aux condamnations. Dans une très large mesure la mise à l’abri de ce personnel s’est faite dans la lointaine et très catholique Argentine gouvernée à l’époque par un Perón qui ne cachait ses sympathies ni pour Mussolini ni pour Hitler.
La « filière argentine » a été magistralement décrite par un essayiste argentin UKI GONI dans son livre publié en 2002 sous le titre, inspiré du nom de code – ODESSA - qui avait été donné au système des exfiltrations mis en place à partir de 1946 : « THE REAL ODESSA ». L’ouvrage n’a malheureusement pas été traduit en français.
La filière argentine a aussi concerné la France collaborationniste. Du côté des organisateurs de la filière UKI GONI mentionne les noms de GEORGES GUILBAUD, proche de LAVAL de CHARLES LESCA, tous deux criminels de guerre et du cardinal TISSERANT en poste au Vatican.
Il ne mentionne pas un autre criminel de guerre français qui a aussi rejoint l’Argentine à cette époque : SIMON SABIANI.
Le personnage est connu. Militant communiste dés la fondation du PCF au Congrès de Tours, il va dériver progressivement vers la droite, s’accoquiner avec la pègre, gouverner Marseille en tant que premier adjoint d’un maire falot de 1929 à 1935 et se retrouver parmi les dirigeants nationaux du PPF dès sa création par DORIOT en 1936. Pendant l’occupation il collabore activement avec l’occupant et devra prendre la fuite sitôt les armées alliées débarquées en Provence en Aout 1944. Il se replie progressivement vers l’Allemagne avec le groupe dirigeant du PPF qui s’installe en Allemagne à Sigmaringen.
Le 22 Février 1945 la voiture de DORIOT est mitraillée par deux avions volant en basse altitude. Le leader du PPF meurt et c’est la débandade dans son entourage. A partir de ce moment là la biographie de SABIANI devient lacunaire et JEAN VAUCORET l’auteur de la thèse de III° cycle d’histoire qu’il lui a consacré en 1979 avoue qu’il ne dispose que des informations fournies par la famille trente ans plus tard alors même que Sabiani après s’être séparé volontairement de sa famille à Sigmaringen la reverra en 1946 à Rome et qu’elle ne devait pas ignorer comment il était arrivé là . VAUCORET ne s’attarde pas sur cette question alors que la contribution du Vatican au sauvetage des criminels de guerre nazis avait été posée au grand public européen dés 1963 par la pièce « Le Vicaire » de l’écrivain allemand Rolf Hochhut. Elle suscita de vives controverses et VAUCORET ne pouvait pas l’ignorer.
En 1991 un journaliste marseillais Jean Baptiste Nicolai publiera une biographie de Sabiani mais sur la période de la fuite en Argentine il se contente de recopier mot à mot et sans le dire le texte du chapitre correspondant de la thèse.
Que retenir de consistant dans ce travail inabouti et qui ne mentionne pas non plus que SABIANI est, après la libération, condamné deux fois à mort comme criminel de guerre ?
Résumons cependant (les passages en italique sont extraits de la thèse sus mentionnée)
Sabiani rejoint l’Italie il « arrive à Florence en compagnie de DEAT » « En 1946 sa fille Dora reçoit une lettre expédiée de Livourne. Ayant rétabli le contact avec les siens, il tente de retrouve sa femme et sa fille Agathe, qui se trouvent elles aussi en Italie. Les retrouvailles ont lieu un an plus tard à Rome ou, plus précisément, dans la banlieue romaine dans la propriété du Prince LANCELLOTTI où Sabiani réside jusqu’en Septembre 1946 ». De rapides recherches sur la famille LACELLOTTI la situent comme une riche famille aristocratique ayant produit un Cardinal au 16° siècle, propriétaire d’un palais sur une des plus belles places de Rome, la Piazza Navona, et selon un document du Partito Radicale italien de 1956 très gros propriétaire foncier dans Rome. Mais, poursuit la thèse : « A cette date, Sabiani quitte le domaine du prince pour se réfugier dans un couvent prés du Vatican. En effet la police française ayant retrouvé sa trace, le neveu du prince LANCELLOTTI qui occupe un poste important au Ministère de l’Intérieur, le prévient à temps. Jusqu’en décembre 1946, il demeure caché dans un couvent de religieuses tenu par Sœur Augustine et Sœur Marguerite (sœur visitatrice de Rome). C’est grâce au Vatican que Sabiani pourra quitter l’Italie où le danger d’être reconnu et arrêté augmente chaque jour. C’est sous le nom de Pedro Multedo que le 11 Janvier 1947 Sabiani quitte Rome à destination de Buenos Aires. »
Tous les éléments de la filière vaticano-argentine sont bien là réunis mais la thèse se tient soigneusement à distance de toute recherche d’explication.
Sabiani avec son passeport italien au nom de Multedo reste à Buenos Aires où « avec Palevsky et quelques oustachis il entretient des relations suivies » jusqu’en 1954. Les criminels de guerre condamnés à la Libération ayant été amnistiés en 1951, il s’installe à Barcelone où ses amis français pourront lui rendre plus facilement visite et où, d’après le livre de l’historien Paul Jankowski , professeur à Stanford dans son livre « Communism and collaboration – Simon Sabiani and politics in Marseille 1919-1944, il retrouve le fils du gangster marseillais Carbone et Maurice-Yvan Sicard animateur du journal antisémite L’émancipation nationale .
Il y meurt le 29 septembre 1956. Ce jour là, la radio franquiste interrompt ses émissions pour l’annoncer et pour révéler que PEDRO MULTEDO est en vérité SIMON SABIANI : « c’était notre ami et notre camarade ; il déploya dans la lutte contre le communisme l’activité la plus énergique. Son rôle fut particulièrement important entre 1936 et 1938. Quand, au péril de sa vie, il empêcha à plusieurs reprises l’acheminement vers l’Espagne des renforts en hommes, en armes et en matériel que le front populaire de France envoyait à son homologue espagnol.»